Les compressions budgétaires grandissantes, dont fait l'objet l'enseignement supérieur, tendent à faire de la logique comptable, notamment au travers des notions de coûts, de contrôle et de productivité, une référence incontournable pour sa gouvernance, mais souvent stigmatisée. Des chercheurs ont montré, à l'interface entre la comptabilité et le management, de quelle manière la logique comptable participe au contrôle de gestion vu comme un levier d'action pour des acteurs non-comptables. Le débat sur la gouvernance de l'université présente deux positions extrêmes, une invitant à la marchandisation des savoirs et une autre qui défend son rôle comme institution dans la démocratisation de la société. Une position intermédiaire (ou hybride) tend à émerger, resituant l'enseignant-chercheur au centre du cadre d'action de la gouvernance. Cette position est plus près du métier de chercheur et de la logique professionnelle. Pour bien comprendre la place de la logique comptable dans l'élaboration d'un nouveau cadre d'action pour la gouvernance, nous nous intéressons aux interactions complexes entre éléments discursifs, socio-matérialité des instruments et jeux d'acteurs. À partir d'une analyse de contenu du discours d'acteurs de l'enseignement supérieur, nous mettons au jour les points de passage obligés, les limites et les risques de mauvais usages de la logique comptable. Une approche pragmatiste du contrôle de gestion invite à mieux saisir les dimensions symbolique et politique des cadres d'action interne et externe de l'Université. Le principal résultat de cette recherche montre que la comptabilité constitue une ressource discursive, avec tout ce que cela suppose de non-dit, de connotations et de stéréotypes, dont le plein potentiel émancipatoire est encore à venir.