Le massif de l'Erongo, riche en peintures rupestres, a connu une transition économique significative au cours des deux dernières décennies. Alors qu'au début des années 1990, l'économie des fermes de l'Erongo reposait principalement sur l'élevage bovin, en 2023, toutes les fermes, à l'exception d'une seule, ont réorienté leurs activités vers l'accueil touristique, avec des lodges comme principal moteur économique. Parallèlement, depuis les années 1990, l'Erongo est devenu un lieu essentiel pour la subsistance de nombreuses familles vivant sur les terres communautaires environnantes. L'émergence d'une ruée minière en 1998, déclenchée par la découverte soudaine de gisements importants de pierres semi-précieuses, a attiré un nombre croissant de "petits mineurs". En raison des précipitations saisonnières rares et des problèmes d'approvisionnement en eau, les campements miniers sont souvent installés dans des abris naturels formés dans le granite du massif ou au pied de grands blocs rocheux, à proximité de dépressions où l'eau de pluie s'accumule. Ainsi, il arrive fréquemment que les sites d'extraction minière jouxtent les nombreux sites d'art rupestre du massif. Depuis deux décennies, plusieurs associations rassemblant les grandes propriétés foncières du massif ont progressivement tenté de réguler cette activité minière. Après plusieurs échecs de négociation face à un Ministère des Mines peu enclin à restreindre l'accès des fermes à la prospection minière (permettant ainsi l'activité minière illégale), les propriétaires ont adopté des pratiques contractuelles strictes avec les mineurs. À cette activité minière à petite échelle s'ajoute la menace plus importante des potentielles concessions d'exploration ou d'exploitation de mines industrielles. C'est dans ce cadre de tension que, depuis peu, les propriétaires ont commencé à porter un nouveau regard sur les sites d'art rupestre. En 2019 et 2024, certaines fermes ont été patrimonialisées à ce titre, et d'autres propriétaires projettent de faire de même, avec l'objectif d'obtenir une inscription complète du massif. Entre autres intérêts, cette inscription est perçue comme l'unique moyen légal d'interdire totalement l'activité minière. Ainsi, d'une place marginale, les sites d'art rupestre sont désormais le centre d'une revendication active pour les inscrire au registre du patrimoine - dernière technique en date pour empêcher l'activité minière à petite ou grande échelle dans l'Erongo. La patrimonialisation du massif aurait des conséquences sévères sur l'économie de subsistance des petits mineurs, essentielle pour de nombreuses familles. Bien que l'activité minière représente une potentielle menace pour les sites d'art rupestre, la patrimonialisation de ces sites se révèle être une stratégie des grands propriétaires terriens pour renforcer leur contrôle sur la propriété et maximiser leurs profits touristiques, en empêchant les petits mineurs d'acquérir des licences minières. Cette communication, adoptant une perspective critique, propose ainsi d’explorer comment la patrimonialisation, loin d’être une simple mesure de conservation, s’inscrit dans des logiques d’exclusion sociale. Elle s’appuiera sur des données essentiellement qualitatives récoltées entre 2022 et 2024, comprenant des entretiens formels et informels avec les principaux acteurs ressources ainsi que des données d’archives récoltées aux National Archives of Namibia.