Les périmètres de zones humides font l’objet de tensions depuis plus d’une trentaine d’années. Comment dès lors penser la protection indépendamment de ces zonages ? L’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse propose de concevoir des supports de concertation territoriale basés sur des représentations raster, plutôt que vectorielles, permettant de traduire les fonctions de ces écosystèmes et la continuité de leur fonctionnement. À cette fin, une convention Cifre réunit l’Agence de l’Eau, la Tour du Valat et l’UMR Passages, trois institutions aux cultures scientifiques contrastées. Dans ce dispositif de recherche-action, je conçois différents prototypes pour répondre à la demande de l’Agence. Mes propositions initiales font apparaître des désaccords conceptuels entre les trois postures scientifiques des institutions partenaires. Le SIG provoque néanmoins un dialogue entre les sciences de l’ingénieur, les sciences de la conservation et les sciences critiques à l’origine de propositions transmises aux experts locaux, qui demandent à leur tour des ajustements adaptés à leurs pratiques. Les bulles de dialogue avec les différents interlocuteurs conduisent à une démultiplication des propositions techniques. Le SIG n’est ni neutre, ni factuel, il est utilisé par les experts alternativement comme outil d’autorité ou de dialogue. Le recours au SIG critique permet également d’identifier des jeux de pouvoir qui tiennent les élus locaux à l’écart du processus cartographique. C’est pourquoi une expérimentation propose la co-construction d’un prototype avec ce public pour une intégration plus fonctionnelle des zones humides dans les stratégies territoriales. L’ouverture de la boîte noire des modélisations permet une démystification de l’outil SIG et de la carte, replaçant les élus en position d’acteurs dans le dispositif.