To visibility to anonymity: investigation in rural neighborhood
De la visibilité à l'anonymat : enquête sur les relations de voisinage en milieu rural
Résumé
Un effet structurant sur les relations sociales est fréquemment attribué au lieu, effet que l'on peut notamment lire dans plusieurs travaux en sciences sociales. Or nous avons observé du non-lien entre des voisins au sein de communes rurales : certaines personnes ne sont pas connues de celles qui résident juste à côté, elles restent pour elles des individus sans nom. Il ne s'agit pas de marginaux qui seraient au ban du collectif pour avoir transgressé des normes. La dé-liaison tient davantage au manque de repères qui permettraient aux autres de situer les anonymes dans des catégorisations sociales ou des réseaux sociaux un tant soit peu identifiés. De telles constatations seraient banales au sein d'immeubles ou de lotissements situés en ville car la densité démographique et les déplacements incessants exposent continuellement les personnes à des situations de co-présence. Elles surprennent par contre dans des communes de petite taille situées en espace rural où l'agriculture reste dominante dans la mesure où les relations y sont renommées conviviales et empreintes de sociabilité notamment parce que la localité favoriserait les échanges interindividuels, ici encore plus qu'ailleurs. Tenter de comprendre ce paradoxe nous amène à discuter l'idée prédominante, ou du moins persistante, selon laquelle, la proximité spatiale favoriserait l'émergence de relations entre les personnes : être proche physiquement rapprocherait socialement. Nos observations proviennent d'une enquête menée dans trois communes situées dans le sud de la Dordogne, à la limite du Lot-et-Garonne. Ne subissant pas l'influence urbaine de Périgueux, de Bordeaux ou même de Bergerac, leur physionomie a ainsi gardé un caractère villageois, que ce soit par la présence forte de l'activité agricole, le volume de leur population (entre 200 et 350 habitants) et l'absence de lotissements. Pourtant, de nouveaux résidents y ont élu domicile de façon permanente ou secondaire en acquérant des corps de ferme, plus rarement en investissant dans la construction d'un logement neuf.