Un programme de Recherche et Développement a été engagé depuis la signature en 2008 d’un accord-cadre entre l’ONEMA et les producteurs d’hydroélectricité (EDF, CNR, SHEM, France Hydroélectricité) regroupés au sein de l’UFE (Union Française de l'Électricité). Ce programme s’appuie sur 18 actions, dont une portant sur une meilleure connaissance du comportement et des rythmes de dévalaison de l’anguille et sur l’évaluation de l’impact des aménagements hydroélectriques à la dévalaison (impacts cumulés des aménagements sur un axe donné). La présente étude, constituant l’action nº6 de ce programme R&D, s’inscrit dans la continuité d’études effectuées sur le même cours d’eau, le Gave de Pau, depuis 5 ans (Subra et al., 2006, 2007, 2008 et Bau et al., 2008, 2010). Intégrant 5 à 6 ouvrages hydroélectriques (Artix, Biron, Sapso, Castetarbe, Baigts et Puyoo), elle a permis d’analyser les effets des paramètres du milieu, en particulier le débit, sur le déterminisme de la dévalaison et le franchissement des aménagements. L’analyse du comportement à l’approche des aménagements hydroélectriques et la détermination des voies de franchissement ont fait appel à la technique de télémétrie (radiopistage) qui a consisté à suivre les déplacements de 75 anguilles équipées d’émetteurs radio miniaturisés et de transpondeurs. Lors de cette étude 2009-2010, le premier ouvrage (Artix) n’a pas été équipé de stations fixes de radiopistage, mais les suivis manuels quasi quotidiens ont permis de confirmer 16 arrivées supposées d’anguilles à l’ouvrage suivies de 14 franchissements avérés. Le taux de sortie pour le tronçon Artix – Puyoo (soit 6 obstacles) est compris entre 38% (6 poissons sur 16) et 43% (6 poissons sur 14). Pour les anguilles relâchées à Gouze, le taux de sortie du tronçon Biron – Puyoo (soit 5 obstacles) a été de 48% (20 poissons sur 42). Les “pertes” (58-62% selon secteur) correspondent à des anguilles qui ont arrêté leur dévalaison en amont de Puyoo (dommage voire mortalité après franchissement d’un ou plusieurs obstacles, arrêt de migration momentané ou définitif, prédation…). Cette année, 85% (154/182) des franchissements des 5 ouvrages équipés se sont produits lors des 18 évènements hydrologiques (débits supérieurs au module de 82 m3/s) totalisant 33% seulement du temps d’étude (~56 jours). Les franchissements en période de forts débits se sont produits dans 71% des cas par les évacuateurs de crue. Seuls 15% des franchissements ont eu lieu hors coups d’eau, dont 61% par les turbines. Globalement, pour chaque aménagement étudié, le taux de franchissement reste important (supérieur à 85%). Les temps passés par les anguilles à l’amont immédiat des ouvrages avant leur franchissement varient entre individus et suivant l’aménagement. Ceux de Biron demeurent les plus importants (temps médian : 21 min vs 6-11 min pour les 4 autres ouvrages aval ; temps moyen : 3.4 ± 1.3 jours vs 1h ± 45min à 4.2 ± 3.1 jours pour les autres ouvrages). La voie de franchissement dépend toujours fortement du débit total de la rivière, des caractéristiques des usines (débit d’équipement) et de la configuration de la prise d’eau (e.g., position par rapport aux écoulements, espacement des barreaux des grilles). Comme lors des campagnes précédentes, 67% d’arrêts de migration définitifs (morts des individus) ou momentanés avec ou sans franchissement au préalable d’ouvrages ont été constatés. Les résultats obtenus vont être regroupés avec les 2 autres années afin d’être analysés dans leur globalité pour construire notamment un modèle de répartition des anguilles au droit des ouvrages hydroélectriques en fonction de l’hydrologie et des caractéristiques des aménagements. Ce type d’étude doit être poursuivie sur des cours d’eau représentant d’autres contextes hydrologiques et d’autres types d’aménagement afin notamment de mieux appréhender le rôle de l’hydrologie sur l’activité migratoire (rôle du 1er évènement de crue notamment) et les vitesses de déplacements sur un axe.