Les espaces ruraux ont été soumis depuis plus d’un demi-siècle à des changements profonds affectant leur organisation sociale, spatiale et économique. Ces changements ont fait la part belle à la diminution de l’activité agricole, à la montée des fonctions récréatives et résidentielles de ces espaces. Ils sont aujourd’hui affectés par l’ampleur des crises successives, économiques, environnementales et climatiques et se trouvent dans l’urgence de répondre à des enjeux à la fois globaux et locaux. La tension entre enjeux globaux et locaux est d’autant plus vive dans les espaces de proximité urbaine de grandes ou moyennes agglomérations. Dans ces périphéries, la tendance actuelle à la réactivation des rapports de proximité entre productions locales et bassin de consommation urbaine redessinent des espaces de coopération inédite et interroge pour partie les modalités de construction de systèmes agri-urbains durables. Dans cette communication, nous interrogeons le rôle des actions collectives conduites dans des espaces ruraux périphériques dans la structuration et la construction de la capacité d’action des acteurs dans le contexte plus large d’un système agri-urbain. Nous nous appuyons sur l’analyse d’un projet issu d’une dynamique de développement rural en Italie (Route de l’huile du monte Pisano, Toscane) et nous observons dans quelle mesure ce projet vise à répondre à des enjeux à la fois locaux d’animation du tissu local et de réactivation de l’économie agricole en même temps qu’il permet aux acteurs partie-prenantes de renforcer leurs relations (notion d’empowerment) et, indirectement, leur pouvoir d’action dans des contextes plus larges de renouvellement des liens rural-urbain. Le projet « route de l’huile du Monte Pisano » est considéré ici comme un projet qui joue dans la recomposition des liens entre une périphérie rurale et sa ville centre. Nous faisons l’hypothèse que ce projet traduit dans le temps une dynamique d’intégration d’espaces de nature différente, d’acteurs de différents horizons et des activités agricoles et urbaines. Cette dynamique participerait à la construction d’agencements territorialisés aptes à renforcer l’intégration entre agriculture et villes. Nous mettons le projet à l’épreuve de l’analyse processuelle, qui repose sur l’identification des ingrédients, des séquences, des bifurcations, des moteurs dans la trajectoire des projets ou organisations. En première analyse, si le dispositif de route semble en échec au regard d’une certaine tension entre différentes catégories d’acteurs, il n’en reste pas moins qu’il peut être considéré comme un dispositif permettant la construction de capacité d’action pour certains des acteurs impliqués dans la construction intercommunale engagée avec la ville. La transformation de l’objet « route de l’huile », d’une valorisation d’un produit typique l’ancrant dans une logique de développement agricole et rural, s’élargit vers une gamme alimentaire plus large et territorialisée qui pourra ainsi participer à la réactivation de la fonction d’approvisionnement pour un territoire élargi incluant la ville de Pise. Via la dynamique de transformation du projet et des processus de gouvernance associée, on passe d’un système d’action basé sur du développement local communautaire et marqué par la valorisation d’un produit à la structuration d’un collectif d’action territoriale ouvert vers l’agglomération où les enjeux couvrent la réalité des interdépendances entre systèmes urbains et systèmes agricoles.