Les causes et les origines de l’apparition de formes tératologiques chez les diatomées restent méconnues. Ces anomalies morphologiques ont majoritairement été reportées dans des cultures à long terme ou sous conditions de forte pollution toxique. Ainsi, leur présence est de plus en plus souvent considérée comme un indicateur spécifique d'événements toxiques extrêmes (notamment des contaminations métalliques), bien que les processus d’induction de ces formes, ainsi que leur écologie, soient peu étudiés. Leurs abondances généralement faibles et localisées suggèrent que les individus tératologiques sont moins performants que les formes normales dans des conditions non perturbées. Dans cette étude, nous avons comparé la croissance et la performance photosynthétique de deux souches issues de la même lignée cellulaire de Gomphonema gracile Ehrenberg (isolée en 2013 ; voir Coquillé et al. 2015), dans des conditions de développement optimales. Ces souches sont morphologiquement distinctes : une souche non tératologique (GNT), et l’autre tératologique (GT), comprenant respectivement moins de 0.5% et plus de 90% d’individus déformés. La souche GNT est un peu moins allongée et plus large que la culture mère, avec des apex plus arrondis. Au contraire, la souche GT est deux fois plus grande, et présente systématiquement la même anomalie de contour valvaire (forme de “boomerang”). Contrairement à nos hypothèses, les performances physiologiques des cultures GT sont similaires à celles des GNT ; et leur cinétique de croissance est plus rapide que celles de la forme normale. Dans le même temps, la proportion d’individus déformés ne décroît pas. Ces résultats questionnent l'hypothèse commune que les diatomées déformées sont des individus "altérés" produits par des conditions défavorables, indicateurs d’un dysfonctionnement de l'écosystème. Une meilleure connaissance de leur écologie est nécessaire, ainsi qu’une analyse approfondie de l’origine génétique, ou non, de ces modifications morphologiques.