L’Union Européenne représente 45% du tonnage mondial de pesticides. Une infime partie de ces pesticides atteint véritablement les sites d’action des organismes-cible, le reste se répartit dans l’environnement par le biais de divers phénomènes comme le ruissellement pour finir dans les écosystèmes aquatiques, récepteurs finaux des contaminants. Les stress chimiques impliquent des variations dans les compositions (aussi bien en abondance qu’en diversité) de nombreux taxons (faune et flore) qui font aujourd’hui l’objet de nombreuses études dans le domaine de la bioindication. Cependant, les indices d’évaluation de la qualité de l’eau se réduisent à un seul compartiment biologique et écartent les associations de facteurs biotiques (prédation, compétition) et abiotiques (stress chimique). Nous avons testés quatre facteurs (Prédation, Compétition, Diuron et Imidaclopride) séparément sur deux espèces de diatomées et trois morphotypes distincts : Planothidium lanceolatum et Gomphonema gracile (morphotype normal, morphotype tératogène) pour déterminer, par quantification quotidienne, les cinétiques de croissance de chacune sous différentes pressions. Le prédateur utilisé était un nématode originaire de biofilms de cours d’eau aquitains, plutôt cosmopolite des sols et des écosystèmes benthiques des eaux douces (Aphelenchoides bicaudatus). Par la suite, nous avons reproduit les expériences en combinant les différents facteurs afin de déterminer s’ils agissaient en synergie ou étaient antagonistes. P. lanceolatum est fortement impacté par la compétition interalgale. Cependant, sous le traitement au diuron, A. bicaudatus favorise la croissance de cette dernière en enrichissant nutritivement le milieu (fèces, sécrétion de mucus agglutinant) et agit en synergie sur Gomphonema gracile en la broutant. A contrario, lorsqu’elles sont exposées à l’imidaclopride, les algues développent un mécanisme de défense en s’agglomérant les unes aux autres. Ce comportement peut réduire les opportunités de prédation du nématode, les rendant moins accessibles. Les relations écologiques qui ont lieu au sein des biofilms (compétition, prédation), ont des effets non négligeables sur les compositions des communautés, les comportements individuels ou populationnels et les impacts habituellement relevés sans ces facteurs. Ces résultats plaident pour une nouvelle approche quant aux méthodes de détermination de la qualité de l’eau et des études fondamentales de compréhension des écosystèmes dans un objectif de restauration et de préservation.