Les diatomées benthiques constituent une source alimentaire de choix pour la microméiofaune des biofilms. Le régime alimentaire traduit un compromis entre dépense d'énergie pour la capture et l'assimilation des proies, et apport nutritif par l'alimentation. La qualité nutritive des microalgues peut varier entre espèces (composition en acides gras, par exemple), mais également être impactée en cas de pollution toxique : altération du contenu lipidique et/ou accumulation intracellulaire des contaminants. Pour déterminer les préférences alimentaires de larves de chironomes (tribu des Tanytarsinae) et leurs modifications éventuelles en cas de contamination des proies, deux expériences complémentaires ont été mises en oeuvre afin de : i) quantifier la consommation (taux d'ingestion) des chironomes en présence d'une seule source de nourriture à volonté, et ii) déterminer le choix des proies (sélectivité ou non) des chironomes dans un dispositif de « cafétéria » (choix simultané possible entre diverses sources). Pour ces expériences, quatre cultures de microalgues ont été utilisées : une algue verte et trois diatomées de dimensions individuelles variables. Les chironomes ont eu accès ad libitum aux algues (concentrations cellulaires élevées), dans un milieu sain ou contaminé par un herbicide, un insecticide, ou leur mélange, à des concentrations environnementales. En conditions témoin, les taux de broutage les plus élevés (en termes de biomasse ingérée) ont été observés en faveur de Gomphonema, en conditions de monodiète. La contamination de la nourriture par les pesticides a modifié significativement les taux d'ingestion de chaque microalgue : pour chaque source de nourriture, la biomasse ingérée par chironome était significativement réduite en présence de l'insecticide en lien avec une mortalité accrue des consommateurs, et des survivants amorphes. En présence de pesticides, le comportement alimentaire des chironomes a également été modifié. En conditions témoins, les chironomes présentaient une certaine sélectivité (préférence pour la forme tératogène de Gomphonema), pouvant s'expliquer par ses grandes dimensions et son contenu riche en oméga 3. En présence d'herbicide ou d'insecticide, au contraire, les chironomes avaient tendance à diversifier les sources de nourriture, pouvant traduire une compensation de la perte de qualité de la nourriture par une diversification des apports. L'énergie consacrée à la recherche de nourriture était également impactée, de manière variable selon le contaminant. Ces résultats illustrent, pour un réseau trophique simplifié, la propagation des impacts de pesticides de la nourriture vers les consommateurs. Ils soulignent la nécessité de prendre en compte l'altération de la qualité des microalgues et le transfert potentiel des contaminants dans l'évaluation du risque lié aux pesticides, pour l'environnement aquatique.