Dans le cadre des suivis pluriannuels des communautés piscicoles d'eau courante, la quantification et la taille des juvéniles de l'année sont le plus souvent obtenues lors d'une unique campagne d'échantillonnage automnale. Au regard de la plasticité de croissance des poissons et de leurs réponses aux différents facteurs environnementaux, comme la température et l'hydrologie, les individus d'une même classe d'âge présentent une importante variabilité de taille. C'est pourquoi l'observation des conditions environnementales sur la croissance nécessite une estimation précise de l'âge des individus à l'aide des outils otolithométriques. Cette étude réalisée sur le Bas-Rhône médian et consacrée au chevaine (Cyprinidae, Squalius cephalus) a pour but de caractériser la variabilité spatio-temporelle de la forme et des taux de croissance journaliers des otolithes des juvéniles d'âge 0+. Les individus ont été échantillonnés dans trois sections distinctes du bief de Caderousse : le canal de fuite de l'usine de Bollène, une section court-circuitée et la retenue de l'usine de Caderousse. Nous avons comparé les résultats obtenus lors de deux années, 2013 et 2015, afin d'évaluer les effets de la température, des débits et de la date d'éclosion sur les taux de croissance journaliers. Tout d'abord, la forme des otolithes a été étudiée afin de déterminer si les individus se déplaçaient entre les différents sites d'étude. La forte discrimination de la forme des otolithes entre les sites observables chaque année suggère une sédentarité dans les sites et une structuration conservée dans le temps, mais la variabilité interannuelle des conditions hydroclimatiques influence significativement la forme des otolithes. Les taux de croissance ont été plus élevés en 2015 qu'en 2013 mais les profils interannuels des courbes de croissance ont été similaires avec un plus fort taux de croissance dans le canal de fuite par rapport à la retenue et à la section court-circuitée. Ces résultats suggèrent une influence prépondérante des conditions du milieu sur la forme et la croissance des otolithes. Les estimations de l'âge ont été utilisées pour rétro-calculer les dates d'éclosion de l'ensemble des individus étudiés. Plusieurs cohortes ont été identifiées chaque année, confirmant la stratégie de pontes multiples des chevaines. En 2015, la période d'éclosion (avril à juin) a été plus courte qu'en 2013 (avril à août). Ces différences ont été attribuées aux régimes hydrologiques et thermiques contrastés entre les deux années.