Cette communication questionne l'origine forestière d'un récit fondateur et controversé du Parc National de la Réunion, celui d'une conservation d'une nature pré-anthropique menacée. L'hypothèse est que ce récit n'est pas seulement le fruit des enjeux contemporains de la biodiversité et de l'endémisme, mais plonge ses racines dans l'Histoire même de l'île de la Réunion et de son domaine forestier (85 % de la superficie du Parc National). Mobilisant diverses sources dont des archives encore peu explorées, notre enquête montre que les théories du « déclin environnemental » (Davis, 2012) ont accompagné et souvent justifié la gestion des espaces forestiers réunionnais depuis la fin du 18e siècle. Elle souligne la profonde conflictualité de ces récits, leur sédimentation sur le temps long et leur rôle structurant dans l'aménagement du territoire avec une concentration des frictions et des enjeux environnementaux sur les Hauts de l'île (Bonniol et Benoist, 1994). Pour autant, on observe des fluctuations dans la définition même du « déclin environnemental », les causes incriminées et les réponses apportées. Révélatrices de l'évolution des rapports Homme/environnement, les diverses solutions imaginées mettent aussi en lumière des alliances conflictuelles et différentes manières de combiner production et protection de la forêt. En s'intéressant à une histoire forestière encore peu étudiée (Germanaz, 2013), ce travail apporte ainsi sa contribution au débat sur les confrontations, les coalitions et les expériences novatrices menées au nom du déclin environnemental (Decocq et al., 2016 ; Grove, 2013 ; Pouchepadass, 1993 ; Thomas, 2009).