Le berger ajuste le « référentiel alimentaire » du troupeau pour tirer profit d'une grande diversité de ressources végétales
Résumé
Des moutons ou des chèvres gardés en troupeaux par des bergers consomment le double de ce que prévoient les modèles de nutrition animale fondés sur la valeur individuelle des plantes. D'où leur vient cet appétit remarquable? Les bergers appliquent deux règles fondamentales: 1. constituer un troupeau prévisible, en procédant notamment à l’éducation alimentaire des jeunes femelles de renouvellement; 2. ajuster le "référentiel alimentaire" du troupeau, en lui apprenant d’abord à respecter de lui-même les limites de l’espace autorisé, puis en modulant, par la conception des circuits de pâturage quotidiens, ce que les bergers nomment un "référentiel provisoire de palatabilité" des plantes. Pour un berger, les différents secteurs de pâturage n’ont pas de valeur intrinsèque, qu’il serait possible de déterminer par la nature du couvert végétal. C’est une valeur construite en vertu d'organisations appropriées, situées à plusieurs échelles temporelles. Les bergers misent sur les capacités de mémorisation et d'apprentissage alimentaire des animaux. Ils procèdent ensuite en provoquant des synergies entre secteurs mis à disposition au cours des circuit-repas. Ce savoir-faire empirique et pour le moins efficace leur permet de valoriser une grande diversité de ressources végétales naturelles. En cela, il se distingue nettement des paradigmes de l'alimentation animale et de l'agronomie des cultures fourragères.