De la perception sensorielle à la consommation du vin. Les consommateurs de vins
Résumé
Appréciation et consommation du vin : un processus d’apprentissage. L’appréciation des boissons alcoolisées n’est pas innée. D’après Rozin et Vollmecke (1986), ces boissons ne sont pas palatables et leur appréciation résulte d’un processus d’apprentissage encore méconnu. L’enquête Vinifhlor-Crego réalisée en 2005 sur 4 036 personnes a montré que 55 % des Français disent ne pas aimer le goût du vin, et pourtant seulement 40 % de ces mêmes Français sont non consommateurs de vin. Cela signifie que 15 % des répondants consomment du vin sans en apprécier le goût. Ce chiffre doit être en réalité plus important car les consommateurs essaient généralement d’être cohérents dans leur réponse par peur du jugement. D’après Couderc et al. (2008), une bonne partie des buveurs de vins consomment ce produit « soit par habitude, soit par convention, mais pas nécessairement par goût personnel ». Olsen et al. (2007) parlent de socialisation du vin. La socialisation du consommateur réfère au processus longitudinal par lequel les consommateurs apprennent les compétences et les attitudes qui leur permettent de participer au marché de la consommation (Ward et al., 1990). L’étude de la socialisation des consommateurs permet de comprendre comment les enfants acquièrent des connaissances sur les produits et exercent leur compétence dans la décision de consommer ce produit ou non. Les jeunes enfants acquièrent la plupart de leur connaissance et comportement de consommation par l’intermédiaire de leurs parents mais, une fois adolescents, ils apprennent par l’intermédiaire de leurs pairs (amis, groupes) et des institutions sociales comme la télé et les magazines (Olsen et al., 2007). Dans le cas du vin, cette boisson présente des propriétés sensorielles (amertume, arômes végétaux) qui sont typiquement dépréciées par les enfants (Drewnowski, 1997 ; Birch, 1999). Avec l’âge, cette boisson tend à être plus appréciée et c’est généralement au cours de la vie adulte qu’elle devient vraiment appréciée. En effet, d’après l’enquête Vinifhlor-Crego 2005, environ 79 % des 15-24 ans déclarent ne pas aimer le goût du vin. Ils ne sont plus que 57 % à ne pas aimer le goût du vin entre 25 et 34 ans, 52 % entre 35 et 44 ans et 48 % entre 45 et 54 ans (Couderc et al., 2008). Il existe par ailleurs une différence importante en termes d’appréciation du goût du vin en fonction du sexe. Environ 55 % des hommes déclarent aimer le goût du vin contre seulement 35 % chez les femmes (Couderc et al., 2008). À notre connaissance, peu d’études se sont intéressées à comprendre le processus d’apprentissage d’appréciation du vin. D’après Couderc et al. (2008), en France, l’initiation au vin a lieu vers l’âge de 13 ans. Elle se fait généralement dans le cadre familial, avec du vin rouge (66 %) et c’est le père, figure centrale de cette initiation, qui sert le premier verre de vin. Il est admis que les consommateurs de vins débutants ont tendance à préférer au départ les vins sucrés et fruités (Lesschaeve, 2008). L’évolution des préférences vers d’autres styles de vins serait influencée par l’environnement social et culturel, mais également par la mode et les images véhiculées par le vin. Le vin est généralement associé à des valeurs sociales et symboliques qui peuvent modifier les habitudes de consommation (Lesschaeve, 2008).