Politique du care et transition écologique : l'agriculture au cœur d'une nouvelle critique sociale ?
Résumé
Cette communication explore le lien entre les pratiques matérielles de la transition écologique et la critique sociale, en s'appuyant sur l'étude ethnographique d'un collectif américain de réinsertion d'anciens combattants par l'agriculture. Nous nous intéressons aux déplacements de la critique qu'effectue ce mouvement, en particulier le lien qu'établissent ses animateurs entre la transition écologique et la cause pacifiste. Dans un premier temps, nous montrons que l'idée selon laquelle le travail en agriculture « bio » peut receler des vertus thérapeutiques, ou peut s'avérer épanouissant, permet au mouvement d'expliciter de nouvelles attentes envers l'activité agricole : ces attentes combinent une attention à des formes d'accomplissement personnel et des horizons politiques et moraux plus larges. Nous montrons alors que la dimension sociale et politique du care est au cœur de la critique sociale que propose le mouvement. Dans un second temps, nous proposons de dresser un tableau plus large des différentes manières dont l'idée selon laquelle la nature recèle des bienfaits est aujourd'hui réinventée : celle que nous décrivons dans la partie précédente, qui politise en permettant à de de nouveaux acteurs d'investir le débat public, voisine alors avec d'autres qui, en spiritualisant (mouvements New Age) ou en technicisant (mouvement de « care farming ») évacuent cette dimension politique en réduisant le « care » au « cure ». Nous montrons alors comment les nouvelles attentes envers le travail agricole et l'agriculture « bio » peuvent être émancipatrices et permettre l'émergence de nouvelles revendications visant une société écologisée et pacifiée, mais aussi comment elles peuvent n'être qu'une remise au goût du jour des formes de gestion des populations déviantes ou vulnérables qui ont été mises en place au XIXème siècle.