En dehors du secteur viti-vinicole, les seules initiatives prises en Corse pour protéger les dénominations géographiques attachées à certains produits agricoles à forte notoriété, comme le Brocciu (un fromage de lactosérum) ou la clémentine, visaient la réservation de l'exclusivité du droit de produire pour un petit nombre. Ces stratégies ont rapidement montré leurs limites et n'ont débouché sur aucune prise de responsabilité collective. Par contre, dans les deux cas, des modifications réglementaires ont imposé aux acteurs des concernés d'abandonner ces pratiques et de négocier entre eux les termes d'une qualification territoriale qui rende possible la certification de ces produits sur des marchés extérieurs. Ces changements imposés vont modifier les équilibres antérieurs dans ces filières, le nombre et les catégories d'acteurs impliqués vont évoluer et des apprentissages nouveaux vont ainsi être nécessaires pour déboucher sur des règles assumées collectivement. A travers ces deux exemples, l'objet de cette contribution est d'analyser les séquences du passage d'arrangements locaux visant à l'exclusivité, à la confrontation professionnelle interne permettant de construire des accords sur des règles collectives, puis à la mise à l'épreuve de leur recevabilité dans des instances extérieures. L'étude de l'évolution de la situation de ces deux filières de Corse semble intéressante pour proposer des éléments de réflexion propres à éclairer d'autres situations. Les apprentissages qui s'y déroulent autour de l'élaboration des nécessaires compromis montrent un potentiel de généralisation et nous conduisent à une proposition de modèle représentant les temporalités à l'oeuvre.