Ce chapitre présente les apports d’une approche pragmatiste des parcours sociaux et des devenirs biographiques. Dans un champ de la discipline aujourd’hui dominé par l’étude de « trajectoires » objectives (la sociologie des mobilisations et de l’engagement militant), nous entendons replacer l’attention sur les opérations de mise en récit que font les acteurs lors d’entretiens biographiques portant sur leurs parcours d’engagement militant. En effet, si la notion de trajectoire militante permet de mieux comprendre un mécanisme qui s’affiche pour le sens commun comme un « choix » (en fonction de préférences idéologiques ou d’opinions politiques), elle tend à éliminer le pluralisme des expériences et l’indétermination des situations, et à produire au final un « surconstruit » problématique. Prendre pour objet les opérations de mise en récit faites par les militants de leur parcours d’engagement, nous permet alors de mieux comprendre la manière dont des devenirs individuels différents sont accueillis plus ou moins favorablement dans des collectifs ayant des manières contrastées de s’engager dans l’action collective (répertoire d’action…), de penser les liens entre ses membres (socialisation, sociabilité…) et pouvant ainsi « ne pas se comprendre » bien que se mobilisant sur des objets proches. Dans la manière dont les acteurs construisent leurs mises en récit et donnent un sens à leur devenir, nous soulignons à la fois l’affirmation de l’autonomie (le militant comme « homme capable ») et le rôle d’un contexte contraignant (où les récits sont orientés par la perception de possibles menaçants).