Les légumineuses pour l’alimentation humaine : apports nutritionnels et effets santé, usages et perspectives
Martine Champ, Marie-Benoît Magrini, Noémie Simon, Céline Le Guillou
Alors que les pois cassés et févettes faisaient partie des régimes de l’alimentation des générations précédentes, les légumes secs sont aujourd’hui peu consommés en France, malgré leurs vertus nutritionnelles ou culinaires. Ils fournissent des protéines de qualité, une faible teneur en matières grasses (pour la plupart), une richesse en fibres, et un faible indice glycémique via leur amidon. Ils sont indispensables dans les régimes végétariens et conseillés pour les sports d’endurance. Leur consommation régulière peut aussi contribuer à prévenir des maladies chroniques. Au-delà de leurs propriétés nutritionnelles, les légumineuses sont aussi utilisées par l’industrie comme des ingrédients techno-fonctionnels. La première partie de ce chapitre traite des conséquences nutritionnelles de la consommation de légumes secs ou produits alimentaires à base de légumineuses, et de la consommation de produits issus d’animaux ayant consommé des légumineuses. Puis, dans une seconde partie, les dynamiques socio-économiques de la consommation des légumes secs, et de leurs usages, en particulier industriels, seront analysées, ainsi que les perspectives d’une plus forte consommation de produits alimentaires à base de légumineuses, notamment au regard des recommandations nutritionnelles actuelles et de la demande mondiale croissante pour les protéines.
Le positionnement des légumes secs varie selon les classifications. Ils peuvent être placés :
parmi les féculents (c’est-à-dire la famille de trois catégories : pain et autres aliments céréaliers, légumes secs et légumineuses, pommes de terre) selon la représentation schématique des recommandations du Plan national Nutrition Santé (PNNS, plan français de santé publique lancé en 2001) ;
dans un groupe d’aliments regroupant les produits végétaux consommés crus ou peu transformés (légumes, légumes secs, fruits, pommes de terre et apparentés, graines oléagineuses et châtaignes) selon la Table Ciqual 2013 (table donnant la composition nutritionnelle des aliments, éditée par l’Observatoire de la composition nutritionnelle des aliments au sein de l’Anses) ;
dans une catégorie réunissant les principales sources de protéines, animales et végétales (par exemple, dans la pyramide alimentaire américaine ou canadienne).
Ces différentes classifications révèlent une perception différente des enjeux nutritionnels par les instances publiques. Dans la première pyramide alimentaire créée par le ministère américain de l’agriculture (USDA), datant de 1992, les légumes secs apparaissaient déjà à l’étage des principaux aliments vecteurs de protéines, dans la même case que les viandes, les poissons et les œufs. Cette classification a été maintenue dans la nouvelle pyramide actualisée en 2005. Au Canada, les légumineuses ainsi que le tofu apparaissent dans la catégorie des viandes et substituts. Le Guide alimentaire canadien (ressource à l’intention des éducateurs et prescripteurs) indique quelques éléments à l’intention des consommateurs, dont : « consommez souvent des substituts de la viande comme des légumineuses ou du tofu ». Il mentionne également que « ces aliments sont des sources économiques de protéines. En plus, ils sont riches en fibres et faibles en lipides ».
En France, si les recommandations du PNNS sont de consommer 1 à 2 fois par jour de la viande, du poisson ou des œufs, il n’y a pas encore de recommandations quantitatives pour les protéines d’origine végétale. D’autant que les légumes secs sont avant tout classés dans les féculents. Bien qu’il soit signalé — dans une plaquette éditée par l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) Les féculents à chaque repas, on fait comment ? — qu’ils apportent des protéines de bonne qualité et peu coûteuses, ils ne ressortent pas clairement comme une source alternative de protéines, comme les présentent les autorités nord-américaines. Ils restent ainsi positionnés sur le même plan que les produits céréaliers ou les pommes de terre, alors que ces derniers restent beaucoup plus riches en amidon que les légumes secs[47]. Ce positionnement nutritionnel de nos instances traduit les objectifs du PNNS qui sont d’abord :
d’augmenter la consommation des glucides afin qu’ils contribuent à plus de 50 % des apports énergétiques journaliers, en s’appuyant sur la consommation des aliments sources d’amidon (les féculents) ;
d’augmenter de 50 % la consommation de fibres, contenues dans les fruits, les légumes, les féculents, et en particulier les légumes secs et les produits céréaliers complets[48].
Ainsi, jusqu’à présent, les recommandations concernant la consommation de légumes secs sont beaucoup plus explicites en Amérique du Nord, qu’elles ne le sont en France. Dans ces pays, la communication sur les légumes secs est aussi beaucoup plus développée qu’en France. Par exemple, Pulse Canada — entité de coordination canadienne de la filière « légumineuses » — édite des livrets de recettes et diffuse des messages dans les média. Des initiatives similaires sont également proposées par une association australienne « Heart Foundation ». En France, seules quelques initiatives privées ont été menées ponctuellement, comme une conférence de presse par la filière française (Fédération française des légumes secs) avec des médecins-nutritionnistes en 2003 lors du projet européen « Pulses and health »[49] ayant permis l’édition en 4 langues d’une plaquette « Légumes secs, des aliments bons pour la santé » (Pulses, for good health). Depuis, ces initiatives ne semblent pas avoir été renouvelées.
À retenir. Une place variable dans les recommandations nutritionnelles des pays.
Les recommandations nutritionnelles des dernières décennies en faveur de la consommation de légumineuses à graines sont variables selon les pays. En Amérique du Nord, les légumes secs apparaissent comme une source de protéines, à côté des viandes, des poissons ou des œufs (et donc comme une de leurs alternatives). En France, même si le PNNS recommande d’en augmenter la consommation, les légumes secs sont classés dans les féculents, à côté des produits céréaliers et des pommes de terre.
D’un point de vue quantitatif, les légumes secs et autres légumineuses à graines constituent une source de protéines et de fibres alimentaires intéressantes, comme le montrent les chiffres moyens issus de l’Oquali, observatoire de la composition nutritionnelle des aliments génériques consommés en France. L’encadré 5.1 illustre ces différents apports de macronutriments. Les glucides, protéines et lipides sont en proportions similaires d’une espèce à l’autre alors que les teneurs en fibres sont très variables. Par ailleurs, les apports en vitamines et minéraux (micronutriments) sont aussi variables. Par exemple, la graine de lupin est riche en vitamines B1 et E, source de vitamines B2 et B3, riche en potassium, phosphore, magnésium, zinc et manganèse et source de calcium et de fer (allégations nutritionnelles autorisées par le règlement européen relatif aux allégations 432/2012).
Encadré 5.1. Analyse de la composition nutritionnelle d’une portion de 150 g de haricots blancs appertisés égouttés.
Selon la Table Ciqual (Anses 2013), cette portion apporte en moyenne :
141 kcal soit 7,1 % d’un apport énergétique moyen (de 2 000 kcal) ;
10,9 g de protéines soit 14,5 % de l’apport protéique recommandé journalier (15 % de l’apport calorique sous forme de protéines) ;
17,7 g de glucides soit 7,1 % de l’apport glucidique recommandé (50 % de l’apport calorique sous forme de glucides) ;
0,74 g de lipides soit 0,83 % de l’apport lipidique recommandé (35 % de l’apport calorique sous forme de lipides) ;
10,2 g de fibres soit 40,9 % d’un apport minimal recommandé de 25 g (de 25 à 30 g de FA/j) de fibres alimentaires par jour.
L’ordre de grandeur de la contribution aux besoins nutritionnels d’une portion (150 g) des autres légumes secs (lentilles, pois chiche et pois cassés) est similaire pour les macronutriments. Seule la contribution des fibres varie considérablement entre légumes secs : ainsi 150 g de lentilles ne couvre que 25 % des besoins en fibres journaliers alors que la même portion de pois cassés couvre près de 64 % de ces besoins.
Concernant les apports protéiques, d’après les connaissances actuelles, les protéines animales restent les protéines de meilleure qualité nutritionnelle et les mieux assimilées par le corps humain pour répondre aux besoins de croissance des enfants, puis au maintien des masses protéiques corporelles, en particulier au niveau du muscle squelettique, chez le sujet adulte (Tomé, 2012). La consommation simultanée des protéines issues des légumineuses et des céréales permet un apport en acides aminés essentiels équilibré et proche de celui des produits animaux. Les protéines de légumineuses sont en effet relativement riches en lysine (un atout) et pauvres en acides aminés soufrés (une faiblesse) (tableau 5.1), alors que les protéines de céréales sont pauvres en lysine et plus riches en acides aminés soufrés.
En cela, les légumes secs constituent un complément idéal aux céréales dans une alimentation pauvre ou dépourvue de protéines d’origine animale. Dans beaucoup de régions du monde, des plats traditionnels à base d’une légumineuse et d’une céréale produites localement ont constitué, et constituent encore, la base d’une alimentation pauvre en viande. Parmi ces plats mixtes, on peut citer le mélange riz ou maïs et haricots rouges en Amérique latine, le couscous associant la semoule de blé dur au pois chiche en Afrique du Nord, tandis que les légumes secs accompagnés de céréales (riz ou galette) et de légumes constituent la base de la cuisine indienne.
Le soja présente également des atouts car c’est la graine la plus riche en protéines connue du monde végétal. En raison de la présence des 8 acides aminés essentiels et d’une digestibilité de 90 % en moyenne par rapport aux protéines de référence (FAO, 1985), les protéines de soja peuvent être comparées aux protéines animales.
Tableau 5.1. Teneur en protéines, lysine et méthionine de quelques légumineuses comparée à celle d’autres aliments courants. D’après Afssa, 2007 ; Anses (Table Ciqual), 2013.
Nom de l’aliment | Protéines (g/100 g) | Lysine (mg/100 g protéine) | Méthionine (mg/100 g protéine) |
Haricots rouges cuits à l’eau | 9,1 | 68,90 | 15,05 |
Lentilles cuites à l’eau | 9,0 | 70,00 | 8,56 |
Lupin, graines cuites à l’eau | 15,6 | 53,33 | 7,05 |
Pois cassés cuits à l’eau | 8,3 | 72,53 | 10,24 |
Soja, graines cuites à l’eau | 16,6 | 66,75 | 13,49 |
Œuf entier cuit à l’eau | 12,6 | 71,75 | 31,11 |
Lait entier | 3,3 | 78,89 | 24,85 |
Pâtes alimentaires cuites | 4,85 | 22,12 | 16,13 |
La biodisponibilité des protéines de légumineuses est souvent considérée comme moins bonne que les protéines animales. Cette plus faible digestibilité des protéines végétales est, pour une part importante, associée à la présence de composants des parois végétales (même si ce sont des fibres intéressantes par ailleurs) et de composés antinutritionnels. Elle est observée pour des produits végétaux non purifiés de type graines entières ou broyées (digestibilité de 50-80 %) et pour des produits peu purifiés sous forme de farines brutes (digestibilité de 80-90 %). En revanche, les protéines végétales à l’état purifié sous forme d’isolés (ou isolats), de concentrés ou de farines purifiées, ont généralement des digestibilités plus élevées (> 90 %) et proches des protéines animales (œuf, lait, viande). Des protéines végétales de soja ou de pois totalement ou partiellement extraites ont une digestibilité iléale vraie (Ileal true digestibility) élevée chez l’homme, légèrement inférieure à celle des protéines laitières (90 % vs 95 % en moyenne) (Gausserès et al., 1997 ; Gaudichon et al., 2002). Les protéines de lupin ont aussi une forte biodisponibilité (digestibilité iléale réelle : 91 % et faibles pertes endogènes au niveau iléal) y compris si elles sont incluses dans une farine relativement riche en fibres (Mariotti et al., 2002).
Les études de bilan azoté révèlent également que la qualité des protéines de soja isolées est comparable, chez l’adulte, à celle des protéines animales. En revanche, elle est significativement inférieure (82 % de la valeur nutritive du lait écrémé) pour des enfants d’âge pré-scolaire (Tomé, 2012).
Le mélange des protéines de légumineuses avec celles des céréales permet donc de compenser le déséquilibre en acides aminés soufrés. Ainsi, un mélange maïs-haricot (76 et 24 %, respectivement) permet de couvrir les besoins azotés d’enfants d’âge pré-scolaire. Tomé (2012) conclut que les qualités nutritionnelles des sources de protéines peuvent se classer ainsi : protéines animales (lait, viande) ≥ protéines de légumineuses (soja) > protéines de céréales (blé, maïs). Les formules à base de lait de soja pourraient assurer le développement et la croissance des enfants nés à terme et en bonne santé mais elles ne sont recommandées qu’en cas d’intolérance au lactose, galactosémie et de besoin d’exclusion des aliments d’origine animale. Des aliments riches en protéines, à base de lentilles, ont des effets comparables aux aliments à base de protéines animales sur l’absorption azotée et le bilan azoté chez des enfants dénutris (cité par Tomé, 2012).
Bos et al. (2003) ont cependant montré que les protéines de soja se comportent comme des protéines « rapides » en comparaison aux protéines laitières qui sont « lentes » expliquant probablement la moins bonne rétention de ces protéines végétales. Ceci a été confirmé ultérieurement par la même équipe (Fouillet et al., 2009) avec des protéines marquées à l’azote-15 ; elle observe un plus fort catabolisme au niveau splanchnique (+ 30 %) et une rétention périphérique diminuée de 20 % avec les protéines de soja toujours comparées aux protéines laitières.
Il n’existe actuellement pas de recommandation française concernant les apports en protéines végétales mais il est fréquemment indiqué que l’apport en protéines doit être couvert à 50 % par des produits végétaux.
Concernant les fibres, les recommandations sont de consommer 25 à 30 g de fibres alimentaires par jour (Martin, 2001), mais la consommation moyenne actuelle n’est que de 17,5 g/jour chez les adultes, de 14,2 g chez les adolescents (15-17 ans) et 14,8 g/j chez les enfants de 11 à 14 ans (Étude INCA2, 2006-2007 ; Anses, 2009). Les légumes secs étant riches en fibres, ils pourraient contribuer à une augmentation des apports en fibres. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de recommandations qualitatives concernant ce constituant végétal mais il est généralement indiqué que l’alimentation doit comporter des fibres solubles et insolubles. Les légumineuses sont des sources de fibres insolubles (téguments et parois végétales) mais également solubles (parois végétales et contenu intracellulaire). Les légumineuses, dont les légumes secs, contiennent ainsi des α-galactosides (raffinose, stachyose, verbascose) qui sont des oligosides (polymères de degré de polymérisation < 10) hydrosolubles dans l’eau et très fermentescibles. Ces composés sont assimilés à des fibres d’après la réglementation française (application française de la définition du Codex alimentarius) et qui auraient des propriétés prébiotiques. La contrepartie de l’effet bénéfique des fibres sur la santé du tube digestif est le risque de flatulence suite à l’ingestion des fibres les plus fermentescibles (α-galactosides).
Les légumineuses, dont les légumes secs, contiennent en dehors des macronutriments (protéines, glucides, lipides et fibres alimentaires) et micronutriments (minéraux et vitamines) de nombreux composés qui jouent souvent un rôle de protection pour la plante. Parmi ces composés, plusieurs ont longtemps été qualifiés de facteurs « antinutritionnels » car ils réduisent la biodisponibilité des macro- ou des micronutriments et/ou ont des effets délétères lorsqu’ils sont absorbés en grande quantité par les espèces monogastriques. Une revue de synthèse a été publiée en 2002 sur ces composés présents dans les légumes secs (Champ, 2002). Parmi ces substances, plusieurs, de nature protéique ou glycoprotéique (inhibiteurs de la trypsine et de la chymotrypsine, de l’α-amylase, lectines), sont dénaturées (en totalité ou au moins en grande partie) par les traitements hydrothermiques, dont les traitements classiques de cuisson des légumes secs. Les phytates, non dénaturés à la cuisson, limitent la biodisponibilité des minéraux dont les graines de légumineuses (et notamment les légumes secs) sont vecteurs (c’est-à-dire fer et zinc). Des traitements, tels que la germination ou l’addition de certaines épices (ail, oignon…), semblent améliorer la biodisponibilité de ces minéraux. Les oxalates limitent également la biodisponibilité des minéraux mais ils sont présents en très faibles quantités dans les légumineuses par rapport à certains végétaux verts (par exemple épinards). Les composés phénoliques sont très répandus dans le règne végétal ; parmi eux, les isoflavones, présents en particulier dans les graines de soja sont des phyto-œstrogènes.
Les tanins et les fibres alimentaires pourraient être responsables de la biodisponibilité plus faible des protéines de légumineuses, lorsqu’elles ne sont pas isolées, par rapport aux protéines animales. Les isolats protéiques issus de légumineuses concentrent souvent les inhibiteurs de protéase ; seul un traitement hydrothermique permet de dénaturer ces protéines.
À retenir. Des atouts nutritionnels confirmés, complémentaires d’autres aliments.
Les graines de légumineuses sont des aliments riches en protéines et en fibres alimentaires. Elles sont riches en lysine mais pauvres en acides aminés soufrés, ce qui en fait un excellent complément des céréales, dans la constitution d’une part protéique équilibrée d’origine végétale et permettant ainsi une substitution aux protéines d’origine animale.
Elles contiennent des vitamines B1, B2, B3 et E, et des minéraux (potassium, phosphore, magnésium, zinc, manganèse, calcium et fer) ; certaines plus particulièrement riches peuvent prétendre à des allégations selon la réglementation européenne. Cependant, la biodisponibilité de ces minéraux n’est à ce jour pas aussi bonne que dans les aliments d’origine animale en grande partie à cause de la présence de phytates dans les légumineuses. Si certains composés (dits « facteurs antinutritionnels ») sont impliqués dans la plus faible digestibilité des protéines de légumineuses par rapport aux protéines animales (tanins en particulier), beaucoup d’entre eux peuvent être détruits par les traitements hydrothermiques, ne présentant pas d’inconvénient pour l’alimentation humaine. Des préparations appropriées des graines de légumineuses peuvent donc permettre d’augmenter la biodisponibilité de leurs constituants.
Aucun aliment n’est idéal, chacun possédant des atouts et des faiblesses, et les légumineuses à graines n’échappent pas à la règle. Les apports nutritionnels des légumineuses ont toute leur place dans une alimentation variée et équilibrée, d’autant plus si cette alimentation, pour des raisons diverses, contient de faibles apports d’aliments d’origine animale. De plus, de récentes études cliniques tendent de plus en plus à présenter les légumineuses comme un aliment santé.
Les bénéfices potentiels des légumineuses sont nombreux et illustrés depuis longtemps par des études sur modèles animaux mais également des études d’intervention chez l’homme et de plus rares études épidémiologiques (Champ et al., 2002). Ils sont liés à la composition en macronutriments, micronutriments et substances associées (dont polyphénols), et aux propriétés de ces différentes fractions. Les bénéfices les mieux démontrés sont liés à la présence de fibres alimentaires et au faible indice glycémique de ces aliments ; ils concernent en particulier la santé cardiovasculaire ou le risque de diabète de type 2. Des travaux récents confortent encore ces hypothèses mais il n’y a encore à ce jour aucune allégation santé concernant les légumes secs, tandis que les Canadiens mènent une étude d’intervention sur des sujets légèrement hyper-cholestérolémiques dans le but d’obtenir une allégation santé pour les haricots et/ou les pois. À côté de ces propriétés pour lesquelles il existe des preuves scientifiques convergentes, des études récentes (Taylor et al., 2012) ouvrent d’autres pistes ou étayent d’autres bénéfices potentiels, comme l’intérêt des légumes secs dans la prévention de l’obésité ou de cancers.
Un état des connaissances a été dressé par un groupe international d’experts lors d’un atelier de l’action européenne Pulses & Health en 2001. Un consensus scientifique a alors été formulé sur les impacts de la consommation de légumes secs sur la nutrition et la prévention de maladies. Étayé par un dossier scientifique publié en 2002 par le British Journal of Nutrition (Champ et al., 2002) et diffusé lors d’actions de communication en 2002 et 2003, ce consensus scientifique est résumé ainsi : « les légumes secs sont des composants utiles pour des régimes équilibrés et peuvent aider à prévenir les maladies chroniques telles que le diabète type 2 et les maladies cardiovasculaires », et comprend plusieurs points (encadré 5.2) sur des sujets réexaminés et actualisés dans les paragraphes suivants. En 2012, un nouveau supplément du British Journal of Nutrition a été édité sous l’égide de Pulse Canada (Taylor et al., 2012) et rassemble à la fois des revues de synthèse et des travaux originaux permettant de conforter et de compléter ces analyses. Nous proposons de revenir sur ces principaux bénéfices santé identifiés dans la littérature et d’en apprécier les limites pour préciser les besoins de recherche.
Encadré 5.2. Consensus Pulses & Health 19 April 2002, Madrid.
By pulses, we mean mainly beans (Phaseolus), lentils, chickpeas, faba beans (Vicia faba) which are the main species of grain legumes consumed by human populations in the world.
Pulses are a useful component of balanced diets.
Pulses are low in fat and rich sources of protein, fibre, minerals and vitamins.
Pulses have a low glycaemic index (small rise of glucose after a meal) and can contribute to improved blood glucose control.
Frequent intake of pulses may lower blood cholesterol concentration significantly. As part of a diet low in saturated fat and cholesterol, they may help to reduce the risk of coronary heart diseases.
As part of a low-fat food, frequent consumption of low-fat pulses may be of assistance in weight management.
Pulses have low allergenic capacity compared with some other sources of protein.
D’après Marinangeli et al. (2012), il semble qu’il y ait peu de données expérimentales pour affirmer que les légumes secs ont un effet favorable sur le risque d’obésité. Cependant, d’après cette même publication, plusieurs études, dont en particulier celle de Higgins et al. (2004), tendraient à prouver une modulation du métabolisme des macronutriments par la consommation de légumes secs et une augmentation de l’oxydation des lipides. Marinangeli et al. (2012) indiquent que les légumes secs ont un effet satiétogène qui n’est cependant pas toujours associé à une réduction globale de l’apport calorique. Par ailleurs, d’après plusieurs auteurs cités dans ce même article, la consommation de légumes secs pourrait également contribuer à réduire le dépôt de tissu adipeux viscéral.
Une majorité des études sur l’impact de la consommation de légumes secs sur la satiété montre un effet favorable mais sans nécessairement d’effet sur la consommation totale d’énergie ingérée au cours de la journée (Johnson et al., 2005 ; Pittaway et al., 2007 ; Wong et al., 2009 ; Murty et al., 2010). Plusieurs travaux suggèrent qu’une augmentation de la satiété pourrait être la résultante d’une stimulation de la sécrétion de cholescystokinine (CCK) par les fibres en particulier. On ne dispose pas encore d’études sur l’impact de la consommation de légumes secs sur les principales hormones intervenant dans la régulation de la satiété telles que la ghréline, la glucagon-like peptide 1 (GLP-1) ou le peptide YY (PYY), ni d’essais cliniques d’intervention sur des patients en surpoids, par exemple, pour affirmer un effet bénéfique de la consommation de légumes secs sur le surpoids ou l’obésité.
Des études épidémiologiques montrent des associations entre la consommation de légumineuses et une diminution du nombre de diabètes de type 2 (Bazzano et al., 2001 ; Darmadi-Blackberry et al., 2004 ; Esposito et al., 2006). Le fait que les légumes secs aient un faible indice glycémique (IG) est largement démontré (Atkinson et al., 2008 ; Sieven-Pipper et al., 2009) (tableau 5.2). Par ailleurs, la consommation d’aliments à faible IG est corrélée à une plus faible incidence de diabète de type 2 et est favorable dans le cadre de son traitement.
Tableau 5.2. Indice glycémique (IG) moyen des légumes secs et de dérivé de légumineuses en comparaison avec deux aliments céréaliers (aliments tels que consommés). D’après Atkinson et al., 2008.
Aliment | IG |
Pois chiche | 28 ± 9 |
Haricots blancs | 24 ± 4 |
Lentilles | 32 ± 5 |
Lait de soja | 34 ± 4 |
Pain de mie (blanc) | 75 ± 2 |
Spaghettis (blancs) | 49 ± 2 |
Dans un article de synthèse portant sur l’impact de la consommation de haricots de différentes variétés sur le risque de maladies chroniques, Hutchins et al. (2012) ont examiné 23 articles et concluent que ces aliments ont beaucoup d’effets favorables à la santé qui pourraient être liés à la faible réponse glycémique à ces légumes secs. La méta-analyse de Sievenpiper et al. (2009) concluait que la consommation de légumes secs seuls, ou dans un régime à faible IG ou riche en fibres, améliore les marqueurs du contrôle glycémique à long terme (HbA1c et fructosamine). Hutchins et al. (2012) concluent sur la base de sept études que la consommation de haricots secs (noirs, rouges ou blancs) a un effet bénéfique pour les sujets atteints de diabète de type 2 ou à risque pour cette pathologie.
Dans une étude d’intervention au cours de laquelle 45 adultes ont reçu 728 g de pois chiche par semaine pendant 12 semaines, l’insulinémie à jeun des sujets a diminué de 0,75 microU/ml (5,21 pmol/l) (Pittaway et al., 2008).
La méta-analyse réalisée en 2002 par Anderson et Major montrait que la consommation de légumes secs était associée aux changements suivants : cholestérol total à jeun, - 7,2 % (IC 95 % : - 5,8, - 8,6 %) ; LDL-cholestérol, - 6,2 % (IC 95 % : - 2,8, - 9,5 %) ; HDL-cholestérol, + 2,6 % (IC 95 % : + 6,3, - 1,0 % ; triglycérides, - 16,6 % [IC 95 % : - 11,8, - 21,5 %]) ; poids corporel, - 0,9 % (IC 95 % : + 2,2 %, - 4,1 %). Les effets hypocholestérolémiants des légumes secs seraient attribués en particulier aux fibres solubles, aux protéines et aux oligosides (α-galactosides) (Anderson et Major, 2002). En conclusion, cette première méta-analyse indiquait que la consommation régulière de légumineuses peut avoir des effets protecteurs importants contre le risque cardiovasculaire.
Plus récemment, Pittaway et al. (2008) ont confirmé cette observation au cours d’une étude d’intervention chez 45 adultes, avec une réduction du cholestérol total et LDL de 7,7 et 7,3 mg/dl de sérum, respectivement, après 12 semaines d’alimentation comprenant 728 g de pois chiche par semaine. Une analyse univariée a en outre révélé que ce sont les fibres qui sont le principal responsable de cette baisse de cholestérol. Cependant, Campos-Vega et al. (2010) suggèrent que les folates des légumineuses pourraient aussi contribuer à la prévention des maladies cardiovasculaires par la consommation de ces aliments.
Parmi les études sur l’impact sur la santé des fractions de lupin menées dans le cadre du projet européen HealthyProFood (voir Aliments issus des graines entières de légumineuses ), des résultats encourageants ont été obtenus avec des protéines de lupin sur un modèle animal d’hypercholestérolémie montrant un effet hypocholestérolémiant (baisse du cholestérol total et LDL) avec une faible dose quotidienne de protéine (50 mg/jour soit 250 mg/kg de poids corporel) (Sirtori et al., 2004).
Deux études de fermentation in vitro (fermentation en présence d’un inoculum bactérien d’origine fécale) de fibres de pois ou de fractions indigestibles de haricots noirs et lentilles ou autres légumineuses tendraient à montrer que la consommation de légumes secs ou de certaines fractions issues des graines génère une production de butyrate (un des acides gras à chaîne courte produits au cours de la fermentation des fibres au niveau du côlon) supérieure à celle de régimes sans légumes secs (Stark et Madar, 1993 ; Mahadevamma et al., 2004 ; Hernandez-Salazar et al., 2010). D’autre part, l’introduction de différentes variétés de haricot dans l’alimentation de rats (25 % du régime) augmente significativement la concentration en butyrate des contenus cæcaux des animaux (Han et al., 2003). Or, le butyrate est le nutriment préférentiel du colonocyte ; il lui est attribué de nombreux effets favorables sur la santé du côlon comme la régulation du transit intestinal, la prévention du cancer colorectal ou l’amélioration d’états inflammatoires tels que la rectocolite hémorragique.
Les résultats scientifiques sur les phyto-œstrogènes sont contradictoires : alors que les études les plus récentes semblent démontrer une absence d’effet sur la qualité du sperme et le taux de testostérone, certaines études montraient qu’ils pourraient, à forte dose, entraîner des troubles de la fertilité chez l’homme. Les phyto-œstrogènes sont encore utilisés sous formes concentrées (compléments alimentaires[50]) pour limiter les facteurs de risques et inconvénients de la ménopause, malgré des études encore contradictoires sur le risque de cancer du sein et des effets peu convaincants sur les bouffées de chaleur.
Enfin, les études épidémiologiques les plus récentes montrent que la consommation de soja contribue à réduire le risque de survenue de cancer du sein, d’autant plus qu’elle est commencée tôt (avant l’adolescence) et maintenue tout au long de la vie (Shu et al., 2000 ; Yamamoto et al., 2003). Malgré la présomption d’un effet protecteur du soja vis-à-vis du risque du cancer du sein, l’Anses invoque le principe de précaution et préconise de ne pas dépasser l’apport quotidien de 1 mg d’isoflavones par kg de poids corporel et par jour, notamment chez les femmes avec antécédent de cancer du sein. Cette recommandation reste compatible avec la consommation alimentaire de produits au soja dans le cadre d’une alimentation variée et équilibrée. Ainsi pour une femme de 60 kg, cela représente jusqu’à 60 mg d’isoflavones par jour, soit l’équivalent de plus de 9 crèmes dessert à base de soja par jour.
Le WCRF/AICR (2010) concluait de quatre études prospectives publiées avant décembre 2009 qu’il y a une diminution non statistiquement significative du risque de cancer colorectal lorsque la consommation de fibres de légumineuses augmente (RR pour 10 g/jour = 0,62, IC 95 % = 0,27-1,42, 4 études).
En 2008, Schatzkin et al. ont publié les résultats d’une étude prospective sur la consommation de fibres et le risque de cancer de l’intestin grêle. De l’analyse spécifique de la consommation de haricots, il ressort que le risque relatif de cancer de l’intestin grêle (duodénum, jéjunum et iléum) est de 0,81 (0,66-0,99) pour les gros consommateurs de haricots versus les plus faibles ; la fréquence des cancers du duodénum serait la plus susceptible de diminuer chez les gros consommateurs de haricots (≥ 3,0 g de fibres de haricots/jour vs 0,7- < 1,3 g/j).
À retenir. La consommation régulière de légumes secs a des effets favorables pour la santé.
Il existe désormais des études cliniques suffisamment bien conduites pour pouvoir indiquer que les légumes secs ont un effet favorable sur la santé, qu’ils peuvent contribuer à la prévention du diabète de type 2 chez des patients à risque, ainsi que, probablement, à la prévention de l’obésité, des maladies cardiovasculaires et du cancer colorectal. Ils sont également intéressants dans le cadre de l’alimentation des patients diabétiques en contribuant à l’équilibre glycémique.
De plus, les plus forts consommateurs de protéines végétales sont les individus les mieux protégés contre le risque de mortalité par infarctus et par cancer.
Les allergies alimentaires se distinguent selon le mécanisme immunitaire qu’elles impliquent. Les allergies alimentaires dépendant des anticorps immunoglobulines-E (IgE) sont les plus fréquentes. Malgré le pouvoir allergénique potentiel de tous les aliments, huit aliments sont responsables de plus de 90 % des réactions allergiques IgE-dépendantes de l’adulte et l’enfant : le lait de vache, les œufs, le poisson, les crustacés, l’arachide, le soja, le blé et les fruits à coque.
Les habitudes alimentaires régionales et l’exposition au pollen peuvent influencer l’épidémiologie de l’allergie aux légumineuses. Les allergies à l’arachide et au soja sont courantes notamment en Amérique du Nord et en Asie, alors qu’en Espagne, c’est l’allergie aux lentilles qui est la plus répandue (Pascual et al., 2001 ; Sicherer, 2001 ; Martínez San Ireneo et al., 2008).
Le soja est généralement considéré comme un allergène mineur par rapport à l’arachide ou au lait de vache. Chez les enfants, la prévalence de l’allergie ou de l’intolérance au soja serait tout de même de 1 à 6 %, selon les habitudes alimentaires régionales. Le dépistage de l’allergie au soja reste délicat du fait d’un fort taux de faux positifs avec l’utilisation de tests cutanés ou de dosages radio-isotopiques, et un test de provocation orale en double aveugle avec témoin placebo est beaucoup plus discriminant.
Pour le lupin, depuis son introduction dans l’alimentation humaine comme ingrédient fonctionnel, le nombre de réactions allergiques est en augmentation. Une étude chez plus de 1 500 individus suspectés d’allergies alimentaires a estimé la sensibilisation au lupin à 1,6 % dans cette population (Hieta et al., 2009). L’allergie au lupin est souvent associée à une allergie à d’autres légumineuses, notamment l’arachide, mais certains individus montrent des liaisons IgE spécifiques aux protéines de lupin (Dooper et al., 2009).
La prévalence de la co-sensibilisation entre légumineuses est très élevée. Elle toucherait plus de 70 % des personnes allergiques à une légumineuse (Bernhisel-Broadbent et Sampson, 1989 ; Reis et al., 2007 ; Hieta et al., 2009). Les traitements technologiques appliqués aux aliments peuvent influencer le potentiel allergène de ces derniers, par exemple en détruisant des épitopes allergènes, mais ils peuvent aussi former de nouveaux allergènes.
Pour prévenir le développement des allergies, on recommande une introduction tardive des allergènes dans le régime alimentaire de l’enfant, particulièrement dans le cas d’atopie. Lorsque l’allergie est déclarée, elle implique la mise en place de régimes d’éviction stricte.
Il y a peu d’études récentes visant à étudier l’impact de l’apport de légumineuses sur la qualité de la viande d’espèces monogastriques. En général, les études portent surtout sur la démonstration que l’utilisation d’une matière première donnée dans la formule des aliments ne modifie pas les performances de l’animal et la qualité de la carcasse par rapport à la formule de référence utilisée majoritairement pour un animal donné. L’absence de changement est ainsi souvent constatée pour l’introduction des protéagineux en remplacement partiel ou total d’autres matières premières (céréales, maïs, soja) pour les porcs et les volailles (chapitre 4).
Des études anglaises récentes (Smith et al., 2013), au sein du projet GreenPig45, ont confirmé ce que les études françaises avaient fait dans les années 1990 : l’introduction de pois ou de féverole dans l’alimentation du porc en substitution au tourteau de soja permet d’obtenir des carcasses ayant des qualités similaires à celles des animaux recevant du soja en termes de qualité (épaisseur de lard dorsal, pourcentage de maigre).
Des concentrés protéiques de luzerne (CPL) sont utilisés dans des aliments pour chevaux, lapins ou volailles. Par ailleurs, le CPL contient une concentration importante de xanthophylles qui permet d’accroître la coloration jaune du jaune d’œuf et de la chair du poulet (voir Le concentré protéique de luzerne ).
Dans un effort de substitution du tourteau de soja par des sources de protéines métropolitaines, en alimentation animale, il a été réalisé des essais d’incorporation de CPL dans la ration de vaches laitières. Des travaux menés en collaboration avec la société française Désialis par des équipes belges ont montré que le CPL est une bonne source de protéines pouvant remplacer le tourteau de soja et permet d’augmenter la teneur en 18:3 n-3 de la matière grasse du lait (Dang Van et al., 2010).
Ces concentrés sont vendus sous forme d’aliments destinés aux ruminants pour la production de lait (vaches laitières hautes performance et petits ruminants). Un concentré protéique spécial ruminant est incorporé à moins de 2,5 % dans les aliments et est destiné à la filière Bleu-Blanc-Cœur. Il répond en outre au cahier des charges des aliments sans OGM ou sans soja. Une autre équipe a étudié l’effet de combinaisons d’aliments riches en acides gras oméga-3 sur le profil en acides gras du lait (Hurtaud et al., 2012). Les associations de différentes sources avec le lin, notamment du colza et du concentré protéique de luzerne, semblent intéressantes. De même, l’augmentation de fourrages verts (dont les légumineuses) contribue à augmenter la teneur en acides gras polyinsaturés des produits animaux.
À retenir. Peu d’informations sur les bénéfices pour la consommation humaine liés aux légumineuses consommés par les animaux.
Il existe peu d’informations sur les avantages, en termes de qualité nutritionnelle des productions animales, de l’introduction de légumineuses dans l’alimentation des animaux destinés à l’alimentation humaine. Les études se focalisent sur la substitution partielle ou totale d’autres matières premières, céréales ou soja, afin d’obtenir des produits animaux similaires. Le pois et la féverole sont intéressants pour produire des carcasses de porcs à qualités comparables à celles obtenues avec du tourteau de soja comme principale source de protéines. Dans le cas des vaches laitières, les concentrés protéiques de luzerne en substitution au tourteau de soja s’avèrent très intéressants pour la composition en acides gras (teneur en 18:3 n-3) du lait.
Pour tendre vers certaines allégations santé (au sens réglementaire) d’une consommation plus importante de légumes secs et/ou d’ingrédients issus de légumineuses, il faudrait disposer de plusieurs études solides conduites sur du long terme chez des populations à risque de pathologies chroniques non transmissibles et/ou d’études par observation de cohortes importantes parmi lesquelles un nombre suffisant d’individus serait consommateur de légumes secs et/ou de dérivés de légumineuses. La cohorte « Nutrinet Santé » offre à ce titre une opportunité unique dont l’analyse prochaine pourrait amener à de nouvelles appréciations de ces effets santé.
Les différentes études citées ici permettent toutefois d’apporter des éléments conclusifs sur la consommation régulière de légumes secs pour contribuer à la prévention du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires et probablement de l’obésité et de certains cancers (dont le cancer colorectal). Une promotion efficace de la consommation de ces aliments pourrait donc contribuer à diminuer les coûts de santé dans tous les pays (dont la France) dans lesquels la consommation de protéines animales est importante tandis que celle de fibres est notoirement insuffisante. Par ailleurs, plusieurs ingrédients issus de légumineuses (farines, isolés protéiques ou fibres) qui présentent des propriétés fonctionnelles intéressantes pourraient augmenter les apports en fibres alimentaires et diminuer ceux de lipides notamment saturés chez les populations occidentales. Pour comprendre quels sont les différents leviers à actionner pour augmenter la consommation de ces aliments, il est nécessaire de se pencher sur les comportements d’achat actuels et la perception de ces produits par les consommateurs, mais également d’encourager les industriels qui peuvent être les promoteurs de nouveaux produits avec légumineuses, qui soient attractifs et bons pour la santé.
Malgré les recommandations de consommer plus de légumes secs, et les différents bénéfices santé qu’on peut leur attribuer, les consommations restent faibles et un tiers environ de la population a des consommations moyennes quotidiennes de moins de 10 g/j d’après le PNNS. Les études tendent à montrer une perception ambivalente de ce produit par le consommateur. À côté du segment de consommation traditionnelle des légumes secs, se développent des produits alimentaires à base de légumineuses pouvant contenir différents types de fractions, et en quantités plus ou moins importantes. Ces fractions sont le plus souvent utilisées par les industries agroalimentaires pour différentes propriétés techno-fonctionnelles. Les nouveaux enjeux de consommation pourraient contribuer à renforcer leur consommation dans les prochaines années.
En France, l’évolution des régimes alimentaires incorporant de plus en plus de produits carnés, la consommation de légumineuses à graines a chuté de 7,3 kg/personne/an à 1,4 kg/personne/an entre 1920 et 1985. Depuis 1985, cette quantité consommée est relativement stable (1,42 kg/personne/an en moyenne sur 2001-2008). Malgré les recommandations nutritionnelles d’augmenter notre consommation de légumes secs, les dernières données d’INCA2 (Anses, 2009) révèlent qu’un tiers de la population se déclare consommatrice de légumes secs mais que cette consommation n’atteint qu’environ 10 g/j pour les adolescents de 15-17 ans et les plus de 35 ans (35-54 et 55-79 ans) et est inférieure à 8 g/j pour les jeunes adultes (18-34 ans) et les enfants (3-14 ans).
Du fait de la quasi-absence de soutien politique et économique accordé aux légumes secs, la production de plein champ des légumineuses alimentaires (pour un rappel de ces différentes espèces, voir chapitre 1) est devenue confidentielle en France. Ainsi, malgré une consommation très faible, on estime à près de la moitié de la consommation française issue des importations. La France reste donc très déficitaire en légumes secs, en particulier pour les lentilles et les haricots secs avec un taux d’approvisionnement de 27 % en moyenne sur 2001-2008 (Commissariat général au Développement durable, 2009).
Sur la scène européenne, la France apparaît comme le plus faible consommateur, derrière le leader, le Royaume-Uni, suivi des pays méditerranéens : dans l’ordre d’importance, Italie, Espagne, Grèce et Portugal (Schneider, 2002). Les produits de légumes secs et les façons de les consommer sont très variables selon les habitudes culturelles et culinaires des différents pays. Les légumes secs en conserve sont quantitativement les plus consommés par rapport aux surgelés ou paquets de graines sèches. Le haricot commun est l’espèce dominante : par exemple, en 2000, la consommation de l’UE est d’environ 300 000 t à 350 000 t (selon les sources statistiques) pour une production de l’UE d’environ 115 000 t. À ce moment-là, trois pays, l’Angleterre (395 000 t), l’Espagne (224 000 t) et la France (80 000 t), représentaient 60 % de la consommation des légumes secs de l’Union européenne.
Au Royaume-Uni, le plus gros consommateur, le haricot représente 85 % de la consommation de légumes secs (consommé principalement à partir de conserves ou cuisiné sous forme de purée, et provenant pour la quasi-totalité d’importations), suivi du pois (type spécifique marrowfat dominant, produit dans le pays), tandis que pois chiches, féveroles et lentilles sont des débouchés de niches « ethniques » (la quasi-totalité des féveroles produites au Royaume-Uni est exportée).
L’Espagne est un pays représentatif des pays méditerranéens fortement consommateurs, trois fois plus que les Français (5-7 kg/personne). Contrairement aux pays du Nord de l’Europe, la palette des légumes secs consommés est spécialement large, avec une grande diversité régionale pour les espèces et les façons de les consommer ainsi que les catégories sociales concernées. Le haricot, le pois chiche et la lentille représentaient chacun environ un tiers de la consommation espagnole des légumes secs dans les années 2000, avec une augmentation pour les deux derniers, et tout spécialement la lentille. L’Espagne importe 70 % de sa consommation après une baisse de l’approvisionnement domestique.
En France, 80 000 t/an de légumes secs sont importées contre 20 000 t de production domestique. 70 % des échanges commerciaux sont gérés par cinq entités et les importations représentent 90 % de l’approvisionnement industriel. Le haricot représente presque la moitié de la consommation française de légumes secs (et 8 % est produit en France), vient ensuite la lentille (30 % de la consommation des légumes secs, 20 % de production domestique), les pois chiches (2 % de production domestique), alors que le pois de casserie est un marché réduit mais régulier et auto-suffisant. Les trois types de produits achetés sont : graines entières crues (majoritairement lentilles), conserves de légumes secs (presque la moitié pour le haricot blanc), et plats préparés intégrant des légumes secs (le cassoulet pour les 2/3) ; ce dernier segment des conserves de plats préparés capte plus de la moitié des volumes et les 2/3 de la valeur du marché des légumes secs (A.N.D., 2000). Le marché est très segmenté, sans substitution des espèces entre elles. Les consommations sont très variables selon les régions et les catégories de consommateurs (tranche d’âge et niveau social). Soulignons une tendance à l’augmentation d’innovations technologiques au cours des dernières années, qui permettent de proposer des légumineuses pré-cuites ou en mélange avec d’autres graines ou en plats préparés plus diversifiés.
Le secteur des légumes secs apparaît scindé en deux selon qu’ils proviennent d’importations ou qu’ils sont d’origine française. C’est par la différentiation que les producteurs français valorisent ce marché de niche, en jouant essentiellement sur l’ancrage territorial au regard de l’importance des importations : à la fin des années 2000, un tiers de la production de légumes secs vendus en graines entières est sous un signe officiel de qualité (d’après les statistiques Inao), auquel s’ajoute une multiplication de labels privés comme le précise le chapitre 7 (voir Débouchés pour l’alimentation humaine : des marchés de niche à fort potentiel de développement ).
L’appellation « matières protéiques végétales » (MPV) regroupe des ingrédients alimentaires issus d’espèces végétales riches en protéines : graines de légumineuses (soja, pois, lupin, féverole), graines de céréales (blé). Les produits finis dans lesquels sont intégrés ces ingrédients couvrent une palette variée de rayons alimentaires, des pâtisseries aux produits carnés. Un référencement des matières protéiques végétales dans les produits alimentaires disponibles dans les magasins en France est permis grâce à une enquête du GEPV[51]. Cette association a pour mission de mener des travaux contribuant à améliorer la connaissance sur les MPV, pour l’intérêt général de tous les industriels concernés. L’enquête de référencement permet de suivre l’évolution de l’utilisation des MPV dans les produits agroalimentaires. Les résultats des derniers bilans de référencement indiquent que les MPV sont surtout présentes dans les produits des rayons « boulangerie, viennoiserie, pâtisserie » (38 % du total des produits contenant des MPV), « viandes » (29 %) et « produits traiteurs » (17 %). En 2011, dans ces trois secteurs, en fonction des types de produit, le nombre de références contenant des MPV a été multiplié par 2 ou 3 en seulement 2 ans, avec un dynamisme particulier du secteur des produits traiteurs qui ne se dément pas depuis plusieurs années (GEPV, 2013). Cependant, les protéines issues de légumineuses restent moins importantes que celles issues du blé (chapitre 7) mais leur présence n’est pas négligeable. Ceci est une spécificité française car les matières protéiques végétales issues du soja sont prédominantes chez nos voisins européens. La dernière enquête faite en 2013[52] a confirmé la progression du nombre d’aliments incorporant ces protéines et leur répartition entre rayons et espèces. La répartition par espèce végétale est toujours en faveur du blé (57 %), puis du soja (19 %) ou d’associations de différentes espèces (15 %), alors que les autres espèces sont plus minoritaires : 5 % de pois, 2 % de lupin, 2 % de farine de fève. La distribution des MPV dans les rayons selon les espèces végétales est illustrée par la figure 5.1. La hausse des produits relevés intégrant ces protéines végétales est de 36 % entre entre 2011 et 2013 (de 3 169 à 4 304). Ce chiffre est une confirmation de l’intérêt manifesté par l’ensemble des fabricants et distributeurs de l’industrie agroalimentaire envers des ingrédients qui se caractérisent par leurs qualités nutritionnelles et organoleptiques — c’est-à-dire concernant la texture, la stabilité, le goût, ou l’aspect.
Figure 5.1. Répartition par rayon des matières protéiques selon leur origine. Source GEPV.
BVP, Boulangerie-viennoiserie-pâtisserie.
Différentes études conduites dans ce secteur révèlent des perceptions ambivalentes des consommateurs sur ces produits, dans le sens d’une méconnaissance nutritionnelle et d’usage de ces denrées ; ces perceptions relèvent essentiellement d’études de marché spécifiques aux légumes secs. Côté ingrédients, certaines études confirment un intérêt croissant des industriels pour leurs usages ; nous ne disposons en revanche que de peu d’études sur la perception du consommateur de ces fractions intégrées aux aliments. Pour autant, celles existantes confirment une bonne perception du consommateur des protéines d’origine végétale.
Une étude du marché des légumes secs (A.N.D., 2000), menée en 2000 à la demande de Unip-Onidol, a fait ressortir dans l’analyse des attentes et des motivations du consommateur différentes vertus perçues, mais également un ensemble de freins connus à leur consommation.
D’abord, le consommateur accorde aux légumes secs des valeurs diététiques et naturelles qui n’excluent pas le plaisir, notamment visuel et organoleptique. Son imaginaire en fait un aliment mythique, lié à la création du monde, et intemporel. Mais les références peuvent être très contradictoires : modernité ou image passéiste, produit diététique ou aliment indigeste et relevant d’un statut dévalorisant (légume de collectivité, légume de pauvre). Cette perception du produit et les attentes du consommateur varient cependant selon la présentation et le type de circuit commercial, voire le lieu d’implantation en magasin : aliment pas cher de dépannage pour les boîtes de conserve de légumes secs (en grande distribution), aliment festif pour les graines en bocaux de verre, en filets (rayon fruits et légumes d’une grande surface) ou en vrac (au marché, dans un magasin bio ou chez un détaillant spécialisé). Le consommateur n’émet aucune réserve sur la qualité du produit au niveau de la production agricole mais tend à critiquer la gestion de l’industrie de transformation et du commerce (manque de transparence et de précision sur la qualité du produit). Il reconnaît bien souvent sa sous-culture gastronomique en la matière (peu de savoir-faire, ignorance sur les besoins de trempage, cuisson, aromates), alors que plusieurs grands chefs cuisiniers les intègrent régulièrement dans leurs préparations. Par exemple, en 2004, la crème de lentille fut le sujet du concours du meilleur apprenti cuisinier d’Europe. La lentille du Puy est plébiscitée par des grands cuisiniers pour sa qualité (Michel Troisgros, Bernard Loiseau ou Régis Marcon[53]). Mais le consommateur moyen tend plus à « montrer du doigt » les tares inhérentes au produit (mauvaise digestibilité, flatulences, difficulté de maîtriser la texture à la cuisson) dont les solutions résident dans des pratiques culinaires adaptées mais bien souvent méconnues.
Ensuite, sur le plan de la nutrition et de la santé, le légume sec concentre dans l’avis du consommateur un ensemble d’arguments favorables qui en font un produit assez unique (protéines végétales, apports nutritionnels spécifiques, glucides lents, absence de lipides…), qui reste cependant contrebalancé par nombre de freins perçus (risques de flatulence, aérophagie, somnolence, prise de poids…). Sur le plan organoleptique, les avis sont là aussi contradictoires : saveur et texture appréciées mais un aspect bourratif et fade, plat de terroir mais aussi plat du pauvre, diversité des espèces mais méconnaissance des préparations possibles. De plus, si la facilité de stockage est un atout, celui-ci s’efface derrière la contrainte des temps de trempage et/ou de cuisson, renforcée par le manque de savoir-faire.
Enfin, les modes de consommation se révèlent être marqués par la saison, avec une plus forte consommation en hiver, pouvant révéler un défaut de connaissances de préparations culinaires adaptées aux saisons. Les circonstances de consommation sont variées, plutôt conviviales (en famille pour le petit salé aux lentilles ou le cassoulet, ou entre amis pour le couscous ou chili con carne). L’achat des légumes secs n’est pas un achat d’impulsion, et le marketing n’a pas un rôle déterminant dans son acte d’achat. Notons cependant qu’au travers de cette étude une préférence est marquée pour la lentille, légume sec le plus facile et rapide à cuisiner. La lentille reste le légume sec le plus consommé en France, en se prêtant au plus grand nombre de recettes, notamment investies par des grands chefs de la gastronomie française.
Les arguments favorables aux légumes secs sont donc contrebalancés par des freins qui semblent rédhibitoires pour leur achat. Ce paradoxe peut expliquer en partie la difficulté du secteur des légumes secs à créer un marché dynamique et moderne. Les consommateurs pensent que l’avenir des légumes secs se jouera ainsi sur la praticité (passant des produits d’épicerie au rayon traiteur), sur la santé (en surfant sur les nouvelles tendances diététiques et en jouant sur la synergie avec les céréales, connues de certains consommateurs) et sur la gastronomie (en s’appuyant sur des recettes de grands cuisiniers et leur relais dans les médias). Pour eux, les efforts de communication doivent s’appuyer sur la diversité des légumes secs, leur caractère gourmand, leur praticité et leur richesse nutritionnelle.
Face au développement des produits intégrant des MPV proposés en grande distribution, le GEPV a souhaité interroger les consommateurs sur leur perception des protéines végétales. L’institut CSA[54] a mené cette étude en septembre 2011, en interrogeant un échantillon de 1001 individus, âgés de plus de 18 ans et représentatifs de la population française (quotas : sexe, âge, profession, région). Selon cette étude, près d’un tiers des Français déclarent suivre un régime (amaigrissant, protéiné, sans sel…). Toujours selon cette enquête, près de 32 % de la population envisageait de réduire sa consommation de viande au cours des mois suivants (contre 67 % envisageant de la maintenir, dont 70 % d’hommes), principalement pour des raisons de santé (64 %), de prix (44 %) et aussi environnementales (26 %). Cette étude révèle ainsi que les pratiques alimentaires sont marquées par les discours ambiants (nutrition, économie, environnement) et que l’équilibre nutritionnel et l’hédonisme restent deux grandes articulations de l’alimentation pour les Français. Côté nutrition, la population interrogée connaît bien les recommandations du PNNS, les sources d’information sont nombreuses et variées, mais l’essentiel des informations nutritionnelles passe par les emballages des produits, par Internet et par le médecin. En revanche, les connaissances sont plus parcellaires dès lors que l’on parle de macronutriments (protéines, glucides, lipides). De manière générale, la protéine est le nutriment qui est perçu le plus positivement et qui a la meilleure notoriété fonctionnelle. Mais on note une forte méconnaissance du taux de protéines des légumineuses et des légumes secs par rapport aux aliments d’origine animale (viande, œufs, poisson) avec une perception gustative positive que l’on attribue davantage aux protéines animales. Toutefois, et malgré une méconnaissance volontiers avouée, les protéines végétales sont globalement bien perçues, et véhiculent dans l’ensemble une image positive. La quasi-totalité des personnes interrogées dans cette étude pense ainsi que les protéines végétales sont :
bonnes pour la santé (95 %),
indispensables à tous (90 %),
complémentaires des protéines animales (89 %),
bonnes pour l’environnement (86 %),
synonymes de qualité (81 %).
Cette étude révèle aussi des intentions d’achat liées à la capacité des protéines végétales à améliorer l’équilibre nutritionnel (réduction du taux de matières grasses des aliments), à la curiosité des consommateurs et leur volonté de diversifier leur alimentation. À partir de cette analyse, on peut faire l’hypothèse que l’intégration de protéines végétales dans certains produits alimentaires est a priori bien acceptée dans des produits transformés, et que les produits transformés facilitant la praticité peuvent être mieux appréciés que les produits bruts. Cela devrait toutefois passer par une explication claire des bénéfices et il conviendrait impérativement de rassurer sur le goût.
Le secteur des légumes secs reste essentiellement traditionnel en France. Les industriels français innovent moins que d’autres pays dans ce secteur, tel le Canada pourtant plus récemment positionné sur le secteur. L’industrie agroalimentaire a privilégié une consommation traditionnelle en conserve pour des débouchés de masse. Pour renforcer la valeur ajoutée des légumes secs, la stratégie a surtout été basée sur une différenciation territoriale s’appuyant sur la traçabilité de l’origine française et ce n’est que récemment que des procédés technologiques pour des plats préparés sont plus investis par les acteurs économiques. Concernant des produits nouveaux pour moderniser ce marché (sachets de pré-cuisson, box…), les progrès technologiques ont d’abord concerné la lentille. Notons aussi que le prix Ecotrophélia de l’innovation alimentaire remporté en 2013 a porté sur une préparation de steak végétal à base de graines de lentilles vertes du Puy (chapitre 7). Les innovations agroalimentaires résident plus dans le secteur des ingrédients fonctionnels. Pour ce secteur des ingrédients, la confidentialité industrielle rend souvent délicat l’accès aux informations, d’autant plus sur des segments à petits volumes ou innovants, comme le cas des ingrédients issus des légumineuses.
Pour le cas du pois ou de la féverole, les industriels du fractionnement investis depuis plus ou moins longtemps (en Belgique : Cosucra depuis 1990 ; en France : Gemef Industrie depuis 1897 ou Roquette depuis 2000) s’avèrent convaincus de l’intérêt des protéagineux pour une diversification des ingrédients végétaux (à côté des autres matières premières des productions à plus gros volumes tels que soja, blé et maïs, betterave, etc.). Cependant, il n’y a pas encore de valorisation marketing systématique de ces ingrédients spécifiques par les fabricants d’aliments dans les produits finis que le consommateur achète. Les perspectives à venir jugées positives pour les protéines végétales pourraient permettre de dynamiser les initiatives des acteurs de ce secteur.
Le secteur des produits au soja est dynamique et en développement en France. C’est un marché de niche, légèrement inférieur au bio, apparu au début des années 1980. Les Français n’étaient alors pas habitués au goût du soja. De nombreux efforts de recherche et de développement ont été réalisés pour adapter le goût des produits au consommateur. Depuis dix ans, ce secteur connaît des croissances à deux chiffres. En 2012, environ 60 000 tonnes de soyfoods ont été vendues en grandes et moyennes surfaces (70 % sont des boissons au soja).
Depuis 1989, l’association Sojaxa, qui promeut les aliments au soja, regroupe les principaux fabricants de produits au soja en France : Nutrition et Nature, Alpro (Sojinal), la Laiterie de Saint-Denis de l’Hôtel et Triballat Noyal Sojaxa. Les membres de l’association privilégient un approvisionnement en graines de soja produites en France et garantissent l’absence d’OGM dans leurs produits. Ils s’engagent à n’utiliser que des graines de soja entières. Elles sont nettoyées, dépelliculées puis broyées afin d’en recueillir un jus de soja permettant de fabriquer une diversité de produits. Ces produits offrent une alternative variée aux produits animaux notamment. Pour autant, le soja a désormais dépassé son image d’aliment alternatif réservé à la seule population végétarienne et trouve sa place, au quotidien, dans un régime alimentaire varié et équilibré.
Pour le cas spécifique du lupin, limité à un seul acteur français pour la production et la transformation (Terrena et sa filiale Lup-ingrédient), une étude « business to business » a été menée et rendue publique lors d’un projet R&D européen sur le lupin (Healthy-Profood) pour mieux comprendre la perception de cette matière première dans l’industrie européenne, tout en restant dans une approche pré-compétitive (Schneider et al., 2005). L’exemple de cette étude illustre la perception positive de ces ingrédients au sein du secteur industriel européen. Même si elle date d’une dizaine d’années, l’analyse permet en effet d’éplucher la structuration du marché et des perceptions des alternatives dans le monde des ingrédients agroalimentaires. Couvrant cinq régions européennes et trois profils d’acteurs, l’étude s’appuyait sur une vingtaine d’entretiens (industriels utilisant des aliments végétariens, industriels produisant des ingrédients issus de végétaux, distributeurs, experts des périodiques sur les ingrédients). Il existe deux marchés : un marché de substitution, en augmentation mais fragile, où la protéine de lupin est utilisée, et un marché spécifique qui valorise les spécificités du lupin. Dans ce dernier cas, la teneur en protéines et la couleur sont deux critères qui favorisent le lupin pour le secteur de la boulangerie et la production de pain et de pâtes à pâtisserie, et l’image positive des produits issus de lupin (lupinfoods) est un atout sur le marché de produits biologiques. D’ailleurs, l’Allemagne, où les débouchés végétariens et « bio » sont très porteurs, fait partie des deux pays où le développement industriel est déjà opérationnel. La France a une spécificité car l’acteur concerné associe production de la matière première et transformation industrielle au sein du même groupe. En Italie, le potentiel existe pour ce secteur, avec une perception positive des industriels face à un consommateur italien investi pour sa santé et tendant à favoriser les plats végétariens, même si les doutes sur les allergies croisées ont expliqué certains retards dans le développement industriel. En revanche, il y a peu de perspectives au Royaume-Uni, où le lupin n’est pas connu et associé à l’alimentation animale, ou aux Pays-Bas où le soja est solidement ancré dans le monde des ingrédients. Les acteurs sont peu nombreux et, selon leur pays, ont misé soit sur le lupin blanc soit sur le lupin bleu. La structure du marché est très différente pour le marché des ingrédients et pour le marché des lupinfoods. Dans le premier cas, les fournisseurs d’ingrédients ont souvent une stratégie de marketing très pro-active pour proposer les ingrédients avec une formulation et des produits à l’appui, mais parfois ils ne font que répondre à des demandes spécifiques de leurs clients. Les acteurs sont nombreux mais hétérogènes. Le secteur de la distribution a un rôle important car il peut démultiplier ou anticiper les exigences des consommateurs et de la société. Dans le cas des lupinfoods, l’organisation de marché est très spécifique, avec des distributeurs dédiés, et souvent étroitement liée au secteur de l’agriculture biologique. Puisqu’ils délivrent des produits prêts à consommer, les distributeurs de produits biologiques connaissent bien le profil du consommateur final. Même s’il s’agit d’un marché de niche en développement, le secteur bio a un rôle très positif dans la promotion du lupin.
À retenir. La perception des légumineuses pour l’alimentation humaine.
La perception des légumes secs par le consommateur peut être très contrastée. Globalement, l’a priori est positif sur les valeurs nutritionnelles, mais les inconvénients semblent souvent rédhibitoires pour le consommateur « moyen » : manque de praticité, absence de savoir-faire culinaire ou image d’un mets désuet. Le marché spécifique du bio reste un secteur très porteur et promoteur des protéines végétales et produits alimentaires issus de légumineuses.
Si les sources de protéines végétales sont souvent mal identifiées, elles ont plutôt une image positive chez la majorité des consommateurs. L’incorporation de protéines végétales dans les aliments type plats préparés ou produits de boulangerie serait à l’heure actuelle mieux acceptée que dans les viandes, la charcuterie ou les produits laitiers.
Côté industriel, les informations restent relativement confidentielles sur ce marché de niche très compétitif, surtout pour les marchés hors soja. Les innovations technologiques pourraient se multiplier à l’avenir et être favorables à la revalorisation des légumineuses en alimentation humaine.
Tandis que la consommation de légumes secs diminuait régulièrement dans la plupart des pays occidentaux, des dérivés du soja parvenaient sur le marché européen. Ces matières protéiques végétales représentent un volume significatif en alimentation humaine. Vers 1975, la France a commencé à développer des procédés technologiques pour produire des protéines à partir des légumineuses à graines métropolitaines pour tenter de les substituer aux protéines de soja dans le marché de l’alimentation humaine. Les tentatives de développement ont été, dans un premier temps, un semi-échec car le marché n’a pas augmenté comme attendu. Plus récemment, l’utilisation de dérivés de légumineuses a trouvé un nouvel essor grâce en particulier à l’introduction de farines de lupin dans les produits de panification ou dans la fabrication de produits carnés, de protéines de lupin dans les aliments sans gluten (produits de panification, cakes, biscuits, pâtes alimentaires…). Les protéines de pois sont aussi très utilisées dans la fabrication de produits de boulangerie-viennoiserie-pâtisserie, de produits carnés et traiteur, ou de produits diététiques. Dans de nombreux produits, on peut trouver des associations de protéines telles que féverole et pois, lupin et pois.
En France et en Europe, le marché des ingrédients issus des légumineuses hors soja reste un petit débouché et peu suivi statistiquement mais en augmentation régulière (source Unip-Onidol) avec le positionnement de plusieurs transformateurs industriels sur différentes espèces et produits. Il n’y a pas dans les données Inca2 de données de consommation de concentrés protéiques de légumineuses. Cependant, le marché des MPV connaît globalement, depuis les années 1980, une croissance régulière liée à des innovations de produits constituant autant de niches de marché (Voisin et al., 2013). Ces MPV sont classées par la profession en farines, concentrés, isolés, protéines de feuilles (tableau 5.3).
Tableau 5.3. Les différentes classes de protéines végétales issues de légumineuses. Plusieurs industriels français (et européens) ont investi ce secteur, focalisés sur la production d’ingrédients et/ou d’aliments à base d’ingrédients, constituant autant de débouchés pour la production de légumineuses à graines et le développement de nouveaux produits agroalimentaires.
Classe | Teneur en protéines (N × 6,25 sur sec) | Sources végétales disponibles |
Farine | 50-65 % | Soja, lupin, féverole |
Concentré | 65-90 % | Soja, lupin, féverole |
Isolé | ≥ 90 % | Soja, pois |
Protéines de feuilles | 88 % | Luzerne |
D’une façon générale, les MPV issues de légumineuses sont utilisées dans les aliments pour leurs propriétés fonctionnelles (liaison, émulsion, rétention d’eau). Elles permettent d’améliorer la conservation des aliments (stabilité des émulsions, limitation du développement des micro-organismes, maîtrise du rassissement) et agissent sur leur palatabilité (texture, onctuosité, rétention des jus de cuisson). Une synthèse a été publiée en 2010 sur le traitement, les caractéristiques, les propriétés fonctionnelles et les applications des protéines de légumineuses en alimentation humaine et animale (Boye et al., 2010).
La fabrication de farines a été investie pour la plupart des espèces de légumineuses à graines pour des destinations parfois très spécifiques, nous proposons ici un bref inventaire non exhaustif de ces utilisations par différents industriels agroalimentaires. Le choix de ces exemples n’est qu’illustratif.
La farine de féverole est utilisée traditionnellement en meunerie, à hauteur de 1 à 2 %, en alternative à la farine de soja comme agent de blanchiment et de tenue de la mie, tout particulièrement pour la fabrication des pains. AIT Ingrédients est un des acteurs industriels valorisant la farine de féverole pour la boulangerie. Cet usage tend à reculer en France et représente aujourd’hui moins de 10 000 t, mais il se maintient dans d’autres pays (source Unip). La farine de lupin s’est quant à elle développée en pâtisserie grâce à ses propriétés émulsifiantes et sa couleur jaune permettant de remplacer l’œuf. Cette filière a été fortement investie par le groupe Terrena via sa filière Lup’Ingrédients. Le Groupe Soufflet a investi les farines de légumes secs en 2012 mais d’autres acteurs sont aussi sur ce segment. Markal produit des farines de lupin à partir des graines bio autrichiennes. La farine de pois chiche est produite en France depuis les années 2000. Des farines de pois chiche et lentille sont aussi incorporées à une catégorie de pâtes de la marque Barilla (Italie) et de la farine de pois chiche est utilisée par Ugo Foods (Royaume-Uni) pour faire des pâtes sans gluten. Des farines de pois chiche ou de pois peuvent également trouver des applications dans les produits carnés (travaux expérimentaux cités par Tosh et Yuda, 2010). Enfin, des farines de pois chiche pourraient être utilisées dans la formulation de lait de suite pour des enfants ne consommant pas de formules lactées soit pour des raisons économiques soit par suite d’intolérance au lactose ou d’allergie aux protéines de lait de vache. Ces farines rempliraient les critères de la WHO/FAO ainsi que de la réglementation européenne (Malunga et al., 2014).
Le fractionnement des légumineuses en protéines, amidon et fibres pour l’agroalimentaire est un secteur d’activité investi par des industriels souvent spécialisés sur une espèce de légumineuses. L’activité la plus développée concerne le pois, notamment au travers du leader du marché français, le groupe Roquette, qui depuis 2005 triture près de 80 000 t pois par an. Le groupe Roquette détient un brevet européen, Nutralys®, sur la protéine de pois. D’autres acteurs transforment des fractions protéiques sur d’autres espèces comme la filiale Lup’Ingredients du groupe Terrena pour le lupin, avec le brevet Protilup 450. Gemef Industrie, acteur historique en meunerie sur la farine de féverole depuis un siècle, avec sa filiale Sotexpro créée en 1995, transforme la féverole, le pois jaune et le soja en ingrédients nutritionnels et fonctionnels destinés à l’alimentation humaine et animale. Roquette commercialise également des fibres de pois qui sont des fibres majoritairement insolubles et destinées à la panification. Ces fibres ont un faible impact sur la viscosité du pâton. La société allemande JRS commercialise également des fibres de pois. Cette entreprise présente ce produit comme un concentré de fibres alimentaires constitué principalement de fibres alimentaires insolubles et solubles ainsi que d’amidon résistant. Leurs applications sont par exemple les produits végétariens, les garnissages, les produits de viande et de charcuterie et les soupes de légumes. Les coques de pois sont aussi valorisées, elles augmentent la capacité de rétention d’eau de farines composites et modifient la couleur de la croûte des pains (plus claire et plus jaune) tandis que les fibres de cotylédons de cette même graine semblent améliorer la consistance du pâton (plusieurs travaux cités par Tosh et Yuda, 2010). Les fibres de cotylédons de pois présenteraient également un intérêt pour améliorer la texture de produits carnés pauvres en matières grasses (Anderson et Berry, 2000). En France, d’autres acteurs industriels traitent des légumineuses sur des segments plus confidentiels, comme Expanscience qui alimente l’industrie cosmétique avec des peptides et des huiles de lupin.
Des industriels d’autres pays interviennent sur ce marché des ingrédients fonctionnels. Par exemple, en Belgique, pays s’approvisionnant aussi en France, Cosucra est un acteur du fractionnement du pois depuis 1990 (protéine de pois, fibre de pois et amidon de pois). En Allemagne, l’industriel J. Rettenmaier commercialise des fibres de pois. Le Canada est également très actif dans le secteur des légumineuses, notamment du pois, valorisées en agroalimentaire. Citons notamment les acteurs suivants : Best cooking Pulses Inc., Nutri-Pea Ltd, Parrheim Foods (cités par Tosh et Yada, 2010). Deux entreprises, l’une chilienne, Avelup, l’autre australienne, Coorow Seeds, produisent des fibres à partir de téguments de lupin (Lupinus albus et Lupinus angustifolius, respectivement). Elles sont utilisées depuis de nombreuses années par des boulangeries industrielles.
Le marché le plus développé à base de légumineuses est celui lié aux aliments au soja (soyfoods), en augmentation de 8 % par an sur les cinq dernières années (source Sofiproteol). Sur le territoire français, le soja est transformé en soyfoods par quatre principaux acteurs (Alpro avec 22 % du marché, Triballat, Nutrition & Nature, LDSH) et quatre sociétés de taille plus modeste (Celnat, Tossalia, Sojami, Biochamp). L’approvisionnement de ces industries est très largement issu de la production française. Les aliments produits à base de soja représentent une alternative intéressante sous des formes très variées : tofu, boissons au soja, miso, natto, tempeh, galettes ou steaks de soja, plats cuisinés à base de soja et de légumes, riches en protéines végétales. Il existe aussi des aides culinaires (alternatives aux crèmes fraîches), de nombreux desserts à base de soja (alternatives végétales aux traditionnels yaourts et crèmes dessert) et également des boissons, produits qui présentent tous une teneur faible en acides gras saturés et, de plus, un profil en acides gras intéressant.
Les aliments à base d’autres espèces de légumineuses (pulsefood ou « aliments aux légumineuses ») restent plus récents et souvent encore au stade de la recherche et sont beaucoup moins développés en France. Le cas du lupin relève de l’investissement d’un seul acteur en France (Lup’Ingrédients). Cette espèce végétale a bénéficié d’études R&D européennes, menées dans le projet Healthy-ProFood[55] jusqu’en 2005, avec des expérimentations sur les étapes de production des ingrédients à partir de graines de lupin (bons pour la santé et présentant une valeur ajoutée), et la formulation de produits agroalimentaires, à base d’ingrédients issus de graines de lupin et prêts à l’emploi (boissons végétales, biscuits, muffins, snacks, produits extrudés et crèmes glacées).
Des pâtes issues de farines de blé dur-légumineuses ont été récemment testées à l’échelle industrielle française dans le cadre d’un projet de recherche entre l’Inra et la société Panzani. Ces produits sont déjà commercialisés depuis plusieurs années aux États-Unis par le groupe Barilla. En France, des pâtes à base uniquement de légumineuses (notamment à partir de farines de pois chiche) sont aujourd’hui proposées sur le marché et ont fait l’objet d’un brevet déposé par la société Céréavie en 2010 sur ces produits dénommés « Créatelles » (voir Ingrédients fonctionnels issus de légumineuses ).
À retenir. Plusieurs types de produits dérivés des légumineuses pour l’agroalimentaire.
Plusieurs produits dérivés des légumineuses sont actuellement disponibles sur le marché industriel de l’agroalimentaire. Il s’agit de farines, d’isolés (ou isolats) ou de concentrés (ou concentrats) protéiques de légumineuses et de fibres solubles et/ou insolubles, issus du soja, du pois, de la féverole, du lupin, du pois chiche ou de la luzerne. Ces produits ont des utilisations très diverses : cuisinés par le consommateur à partir des graines entières, incorporés comme constituant majeur dans des pâtes alimentaires, ou alors utilisés comme ingrédients en agroalimentaire, tout particulièrement en panification, pour des viandes transformées, ou pour des produits destinés à des alimentations particulières (sans gluten ou autre). Il existe également des boissons et autres produits fabriqués à partir de graines entières (type aliments au soja, soyfoods) complémentaires des boissons lactées et dérivés ou des produits carnés.
Les projections économiques et démographiques montrent qu’en l’état actuel des connaissances et des ressources, le niveau de consommation de protéines animales atteint par les pays les plus riches ne pourra pas se généraliser. L’accès à une part protéique de base pour l’ensemble de la population mondiale ouvre de nouvelles perspectives de valorisation pour les protéines végétales, et ce d’autant plus que les incidences sur la santé liées à une consommation excessive de produits animaux sont reconnues. Ces considérations nous amènent à réfléchir aux moyens pour favoriser une plus forte consommation de protéines végétales.
Combris et Martin (2013) ont exploité les données de consommation de la FAO (FAO Stat[56]) pour caractériser les évolutions de consommation nutritionnelle au cours du développement économique des pays de tous les continents. Ces auteurs montrent que les « changements de la structure du régime alimentaire (baisse de la part des glucides, augmentation de la part des lipides, faible augmentation de la part des protéines) sont directement liés à l’augmentation des produits animaux lorsque le revenu s’élève ». Cette observation a été faite par la FAO dès le début des années 1960 (Périssé et al., 1969) et restait toujours vraie dans les années 2007-2009. Ainsi, Combris et Martin (2013) observent que l’augmentation du PIB d’un pays s’accompagne, de façon de plus en plus marquée, d’une augmentation de la consommation de protéines animales aux dépens de celle des protéines végétales. En parallèle, on assiste à une diminution de la consommation de glucides complexes et une augmentation de celle des sucres et des lipides. Ces mêmes auteurs indiquent, toujours sur la base des données FAO, qu’en valeur absolue la consommation par tête des protéines a augmenté fortement au cours des 50 dernières années. Les céréales (blé et riz) demeurent une source essentielle de consommation de protéines. Leur consommation a légèrement progressé tandis que celle des légumineuses a diminué entre les années 1960 et les années 1980 pour se stabiliser ensuite. La consommation de protéines animales et surtout végétales se stabilise dans les pays les plus riches tandis que celle des protéines végétales et surtout animales augmente dans les pays de revenu intermédiaire. Les données FAO-Stat indiquent que la consommation de calories d’origine animale a progressé en Europe de l’Ouest, depuis les années 1975 jusqu’en 2005 (date de l’étude) de 900 à 1 050 kcal/pers/j. En parallèle, Combris et Martin (2013) relèvent que « depuis les années 1960, le niveau des disponibilités en protéines végétales n’a que très peu augmenté (de 38 à 43 g par personne et par jour). Le blé et le riz représentent toujours l’essentiel des disponibilités. Viennent ensuite les légumineuses et les légumes ». Les pays émergents qui rattrapent le niveau de développement des pays occidentaux voient les régimes alimentaires suivre la même transformation ; en témoigne la Chine qui est passée de 150 (dans les années 1970) à 650 kcal/pers/j de calories animales aujourd’hui. Face à la croissance démographique mondiale, le rapport Agrimonde (Inra/Cirad, 2009 ; Paillard et al., 2011) établit à 500 kcal/pers/j le seuil de consommation de protéines animales qui permettrait, à l’horizon 2050, de fournir à l’ensemble de la population de la planète (soit 9 milliards d’individus) une ration calorique adéquate, supposant donc une diminution de la part des calories animales des régimes occidentaux ou des nouveaux pays développés comme la Chine. Cette substitution entre calories animales et végétales peut donner une place plus importante aux légumineuses à graines, d’autant plus que certaines études pointent des effets santé négatifs de l’excès de consommation de viande.
L’étude BIPE menée en 2014 sur les prospectives « Protéines dans le monde » a repris les données FAO et projette l’amorce de la deuxième transition alimentaire des pays développés à l’horizon 2030 (voir figure 1.35 en chapitre 1), c’est-à-dire que la consommation des protéines végétales tendrait à être à nouveau égale puis supérieure à celles des protéines animales.
L’analyse stratégique collective « Protéines végétales pour l’alimentation » du CVT Allenvi (au service de l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement)[57] souligne les tendances du marché (et des brevets) marquées par une diversification des aliments à base de protéines végétales en remplacement ou complément des protéines animales, et l’émergence d’une dynamique des industriels et acteurs de la recherche pré-compétitive sur les protéines végétales, que ce soit à l’international (Canada, États-Unis mais aussi pays asiatiques) ou en France.
À retenir. La consommation des produits d’origine animale devra être réduite.
Selon le rapport Agrimonde (Inra/Cirad, 2009, Paillard et al., 2011), l’agriculture ne pourra nourrir les 9 milliards d’habitants de la planète en 2050 que si la consommation individuelle des produits d’origine animale ne dépasse pas 500 kcal /j alors que la consommation de l’Europe de l’Ouest est déjà supérieure à 1 000 kcal/pers/j. La réduction de la consommation de calories animales par les pays occidentaux peut être permise par une augmentation de la part des calories végétales, tout particulièrement de sources de protéines végétales issues des légumineuses pour leur complémentarité en acides aminés avec les autres protéines végétales.
La consommation de protéines animales a augmenté dans la majorité des pays du monde avec la croissance du PIB, mais il existe de nombreux facteurs confondants qui empêchent de faire un lien direct entre consommation de protéines animales et pathologies chroniques. À titre d’exemple, l’évolution alimentaire des pays en développement s’accompagne de nombreux changements de vie parmi lesquels la migration des campagnes vers les zones urbanisées engendrant la plupart du temps une diminution de l’activité physique à la fois chez les adultes et les enfants. Néanmoins, l’accroissement de la mortalité associée aux maladies chroniques non transmissibles liées à l’alimentation dans la plupart des pays en développement est un phénomène reconnu (Maire et al., 2002). Ces pays ont amorcé une transition épidémiologique et nutritionnelle, à l’instar des pays industrialisés aux siècles précédents.
L’excès de calories d’origine animale dans l’alimentation serait lié à une augmentation des pathologies chroniques. Une alimentation riche en produits animaux est en effet généralement associée à une forte consommation d’acides gras saturés qui elle-même contribue au développement de maladies cardiovasculaires par augmentation de la cholestérolémie. Cependant, si des fortes consommations de viande, et particulièrement de viandes transformées technologiquement, peuvent être associées à une augmentation du risque cardiovasculaire, une consommation modérée de viande dans le cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée apportant des acides gras polyinsaturés n’aurait pas d’effet délétère (Salter, 2013). Dans le cadre d’une autre étude prospective sur des femmes post-ménopausées, Kelemen et al. (2005) ont observé également que les femmes qui avaient une consommation de protéines animales moyenne, soit 12,9 % de leur apport énergétique, avaient le risque le plus faible de mortalité par cancer ou par infarctus. Les femmes les plus fortes consommatrices de protéines animales (soit 17,5 % de l’apport énergétique sous forme de protéines animales) présentaient en revanche un risque plus élevé de décéder d’un infarctus du myocarde. Une fois les facteurs confondants pris en compte (âge, énergie, AGS, AGPI, AG trans), il n’existait cependant plus de lien significatif entre le risque cardiovasculaire et une consommation modérée de protéines animales. Cette étude souligne cependant que les femmes ayant la plus forte consommation de protéines végétales étaient les moins victimes d’infarctus et de cancer, et ce même après prise en compte des facteurs confondants. L’étude prospective PREVEND menée par Halbesma et al. (2009) a abouti à des résultats relativement similaires en estimant un risque moindre d’accidents cardiovasculaires chez les individus ayant une consommation en protéines intermédiaire, sans que les auteurs aient pu faire la part des protéines animales dans la consommation de protéines totales chez ces individus. Ces études tendent donc à suggérer qu’une consommation modérée de protéines animales est favorable pour la santé.
Ces considérations confirment un intérêt de substituer une partie des calories animales par des calories végétales, et en raison de la composition nutritionnelle des aliments d’origine animale riches en protéines, il s’agit essentiellement de travailler à une substitution entre protéines animales et végétales. Les études de marché mettent en avant un certain nombre de freins dans la consommation de légumes secs et plus généralement de légumineuses qui peuvent être une source privilégiée de protéines végétales. Substituer une partie des protéines animales par les protéines végétales suppose donc de lever ces freins. Mais également, au vu des éléments nutritionnels exposés dans la première partie de ce chapitre, cette substitution nécessite de développer des préparations ou des guides alimentaires permettant au consommateur de mieux associer les différentes sources de protéines végétales pour trouver un équilibre en acides aminés proche de celui des protéines animales. Nous proposons dans ce qui suit d’analyser l’état du marché sur les préparations alimentaires permettant une substitution des protéines animales par des protéines végétales, avant de revenir plus généralement sur les différents freins qu’il convient parallèlement de lever pour faciliter la consommation de légumineuses à graines par le consommateur.
Au-delà du développement de la consommation des légumes secs ou de produits au soja ou autres légumineuses (par exemple lupin, pois ou féverole), une voie pour augmenter la consommation de légumineuses est d’ajouter à des aliments très consommés des légumineuses ou fractions de légumineuses. Ce type de produits a fait son apparition depuis longtemps dans les magasins de produits biologiques avec des aliments qui « rebuteraient » le « consommateur moyen » dans un magasin conventionnel (souvent produits dont l’apparence n’est pas comparable au produit standard). Le projet de recherche Pastaleg (ANR associant des partenaires académiques et industriels) a élaboré et étudié les caractéristiques nutritionnelles de pâtes alimentaires mixtes blé dur-légumineuses contenant jusqu’à 35 % de légumes secs (lentille, fève, pois, pois cassé ou pois chiche) mais ces produits ne sont pas, à ce jour, commercialisés. La start-up Ici&Là, lauréate du concours mondial Innovation 2030, devrait proposer rapidement des produits aux lentilles pour la restauration hors foyer. Enfin, des entreprises telles que Barilla proposent des pâtes contenant des légumineuses (pois chiche et lentille), c’est-à-dire des pâtes avec plus de protéines et de fibres que la gamme standard. Par ailleurs, Ingredia et Roquette se sont associées pour la production de mix protéines laitières/végétales destinés à l’alimentation humaine. Il y a donc des innovations pour proposer des aliments diversifiés et répondant à certaines attentes de nombreux consommateurs (voir Vers de nouveaux débouchés en alimentation humaine , en chapitre 7).
À retenir. Une faible consommation des produits issus des légumineuses en France.
Malgré les recommandations par le PNNS d’augmenter la consommation de légumes secs, celle-ci est encore très faible pour la plupart des Français. L’offre alimentaire de produits prêts à l’emploi ou précuits croît sensiblement sans cependant faire décoller la consommation. Il est évident que les légumineuses et leurs dérivés sont encore peu investis par les innovations culinaires ou agroalimentaires et manquent d’opérations de communication qui devraient être réalisées autant par les pouvoirs publics que par les opérateurs de la filière.
Comme soulevé par les études qualitatives auprès des consommateurs et des acteurs du secteur agroalimentaire et diététiques présentées plus haut, les légumineuses ont des atouts bien connus des consommateurs et des industriels (diversité, aliment santé, produit végétarien et diététique, propriété fonctionnelle, traçabilité française) mais les principaux freins à la consommation restent forts et pourraient être levés par un ensemble d’innovation produits.
D’abord, pour les légumes secs, la praticité d’utilisation est perçue comme faible. Hormis la lentille, la plupart des légumes secs (haricots, pois de casserie, fèves, pois chiches) nécessite des préparations culinaires longues (trempage, temps de cuisson important…), comparativement aux céréales (riz, blé), ou aux produits céréaliers en général (semoule de blé dur, boulgour, pâtes alimentaires…), ces derniers ayant bénéficié d’innovations technologiques visant à réduire leur temps de cuisson. Cependant, depuis quelques années, l’offre s’est diversifiée avec l’arrivée sur le marché d’aliments à base de légumes secs prêts à l’emploi ou exigeant de faibles temps de cuisson. Il s’agit par exemple des sachets associant des graines de légumineuses et de céréales précuites et déshydratées qui peuvent être préparées selon un temps proche de celui de la cuisson des pâtes et du riz, soit environ 10 minutes. Citons par exemple, les lentilles et pois cassés cuisinés proposés par le Groupe Soufflet ou la gamme légumes secs cuisinés ou en mélange de Tipiak. La plupart des marques de la grande distribution ou des traiteurs proposent à leur tour ce type de produits, ainsi que des préparations de type salades composées à base de légumes secs (souvent des lentilles).
Concernant le goût des légumineuses (dont légumes secs) ou fractions issues de ces légumineuses, celui-ci est avancé dans certaines études comme trop prononcé. Ce problème de goût, tout particulièrement pour le haricot ou le pois, peut poser certaines difficultés d’utilisation des farines ou concentrés dans beaucoup d’aliments, notamment dans des pâtes mixtes blé-légumineuses ou des produits de panification. Ces goûts peuvent être réduits par des technologies appropriées ou par voie génétique en diminuant la teneur des graines en précurseurs des composés responsables.
Les procédés technologiques et la voie génétique sont aussi privilégiés pour réduire les flatulences caractéristiques de la digestion de ces graines entières. Ce risque de flatulence est souvent redouté par le consommateur. Il existe cependant des techniques assez efficaces pour en éliminer une grande partie avant ou pendant la cuisson (trempage dans l’eau bicarbonatée, pré-cuisson, fermentation). Des technologies plus sophistiquées pourraient être élaborées pour les éliminer plus fortement.
Enfin, nombre d’entreprises de commercialisation de légumes secs soulignent le fort déficit d’image de ces produits auprès du consommateur. Changer cette image passe par la diversification des produits transformés et par une information sur les propriétés nutritionnelles des graines de légumineuses, parfois considérées comme « des féculents qui font grossir ». La teneur élevée en protéines de ces graines et leur composition en acides aminés complémentaire de celles des céréales sont encore faiblement exploitées dans les produits transformés en France et dans beaucoup d’autres pays occidentaux. Ces aliments pourraient être ciblés prioritairement vers certains segments de consommateurs ayant des besoins spécifiques en protéines (seniors, enfants, sportifs). Cette image est cependant en train d’évoluer, au travers notamment du rôle de certains prescripteurs tels que les consommateurs « bio » qui véhiculent une image positive de ces produits. De la même manière, les MPV sont peu connues par les consommateurs, lesquels restent méfiants à l’égard des ingrédients utilisés en industries agroalimentaires.
Les principaux freins constatés au niveau des acteurs économiques sont :
1. un manque de compétitivité en amont qui freine le développement des légumineuses à graines en France ;
2. une forte dépendance aux conditions de concurrence sur des marchés mondialisés pour la mise en marché/commercialisation ;
3. la faible taille et le manque de structure de la filière, des freins présents à tous les niveaux (verrouillage) ;
4. un défaut de tissu industriel pour la transformation industrielle, avec une forte sensibilité aux prix. Les légumes secs sont en partie commercialisés sous forme de graines entières sans aucune transformation à l’exception du pois cassé qui est décortiqué et concassé. Ils sont également consommés après appertisation avec ou sans autres ingrédients (lentilles cuisinées, préparations à partir de haricots blancs ou rouges). Il existe enfin sur le marché des préparations prêtes à consommer, précuites ou utilisables comme ingrédients (graines de lupin vinaigrées pour l’apéritif, mélanges précuits de légumes secs et céréales, barres énergétiques proposées au Canada, farine de pois chiche). Un nouvel effort de diversification des produits à l’image de ce qui a été fait sur les céréales (petit-déjeuner, biscuits, barres énergétiques…) rendrait ces produits plus attractifs. Cette diversification pourrait en particulier exploiter la complémentarité nutritionnelle légumineuses/céréales ;
5. des ingrédients protéinés qui peuvent avoir du mal à remplacer les protéines animales :
les qualités organoleptiques des protéines végétales sont souvent inférieures à celles des protéines animales en tout cas dans le système alimentaire de référence actuel des consommateurs. Les protéines végétales produites sous forme d’isolats et/ou de concentrats peuvent présenter un goût et une couleur qui peuvent limiter leur utilisation dans les produits alimentaires, même si des progrès ont déjà été obtenus dans ce domaine sur certaines espèces. Ceci est dû en grande partie à la présence de composés polyphénoliques caractéristiques des végétaux, voire à d’autres types de composés (saponines, produits d’oxydation des lipides…) ;
les propriétés fonctionnelles des protéines issues de procédés industriels d’extraction/purification sont souvent moins bonnes que le potentiel évalué (à commencer par la solubilité des protéines). Les différentes étapes des procédés, que ce soit au niveau de la transformation des agroressources (par exemple trituration des graines et extraction d’huile par solvant) ou au niveau de l’extraction (pH, température) font subir aux protéines des modifications structurales et favorisent des interactions partiellement réversibles, voire irréversibles, qui sont susceptibles de limiter les propriétés des protéines/ingrédients ;
la qualité des protéines végétales n’est pas constante d’une année sur l’autre, d’un champ à l’autre (principalement en raison de variabilité des séquences polypeptidiques assez importante, ce qui est moins ou pas le cas pour les protéines animales) (Mossé, 1990).
Le chapitre 7 reviendra sur les dynamiques socio-économiques associées aux différents débouchés des légumineuses, dont ceux de l’alimentation humaine ainsi que sur les leviers possibles.
Les légumineuses représentent un potentiel important pour une alimentation plus saine et durable. D’une part, les légumes secs sont riches en protéines (et en lysine, un des acides aminés limitants des céréales) et en fibres alimentaires ; ils sont une source de glucides à faible indice glycémique (donc ils élèvent peu la glycémie post-prandiale) et sont sources de vitamines (en particulier B1, B2, B3 et E) et de minéraux. Ces caractéristiques en font des aliments qui présentent un intérêt majeur dans le cadre de la prévention et du traitement du diabète de type 2 et probablement de l’obésité, des maladies cardiovasculaires et du cancer colorectal. D’autre part, des farines ou des fractions enrichies en protéines (concentrés ou isolés) sont disponibles sur le marché pour être utilisées comme ingrédients dans divers aliments. Elles sont utilisées pour leurs propriétés techno-fonctionnelles (par exemple utilisation de protéines de lupin en boulangerie), comme apport en protéines, en substitution à des sources de protéines animales (viande, en particulier) ou dans de nouvelles gammes d’aliments (sources ou riches en protéines) commercialisés dans les épiceries « bio » mais également de plus en plus en GMS.
La diminution de la consommation de produits animaux est une recommandation de la plupart des nutritionnistes mais également désormais des économistes qui estiment que les populations occidentales devraient diminuer de moitié leurs apports en protéines animales au profit de protéines végétales pour fournir à l’ensemble de la population de la planète un apport calorique adéquat. Il reste, en France et dans beaucoup de pays occidentaux, un long chemin à parcourir pour re-équilibrer la part des protéines animales et végétales.
Les populations occidentales, comme en France, consomment en moyenne moins de 10 g de légumes secs par jour. Leur consommation d’autres légumineuses sous forme d’ingrédients est plus difficile à appréhender (même si les MPV sont de plus en plus mentionnées sur les étiquettes françaises). La production de soyfoods en France est en augmentation depuis plus de 20 ans.
La disponibilité des aliments à base de légumes secs ou autres légumineuses (farines ou ingrédients riches en protéines) et particulièrement de plats prêts à consommer ou rapidement préparés (≤ 10 min) est croissante mais ne suffit pas à augmenter significativement l’utilisation de ces produits par les faibles consommateurs. Le PNNS, toutes les autorités de santé, ainsi que les intervenants de la filière doivent conduire un effort significatif de sensibilisation de la population française. Cette sensibilisation pourrait commencer par la jeunesse (notamment à travers les cantines scolaires et des actions pédagogiques) et les populations les plus défavorisées (formations nutritionnelles, cours de cuisine…) qui sont le plus à risque d’obésité et de syndrome métabolique, mais également se faire grâce à une revalorisation culinaire par l’image auprès des classes moyennes et aisées, et à des efforts industriels pour plus de praticités adaptées au consommateur moderne. Le développement de produits innovants de grande consommation semble essentiel pour un vrai changement de tendances : pâtes ou préparations prêtes à l’emploi, produits mixtes mélangeant protéines animales et végétales (liquides ou solides). Enfin, la disponibilité agricole doit également suivre pour répondre à une demande qui pourrait augmenter, ceci confirme la nécessité de renforcer les efforts techniques et génétiques, mais également organisationnels, sur la production des légumineuses afin d’assurer l’offre.
Avec la contribution de : Catherine Esnouf et Anne Schneider.