Obésité : santé publique et populisme alimentaire - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement Accéder directement au contenu
Ouvrage Année : 2013

Obésité : santé publique et populisme alimentaire

Résumé

Les questions alimentaires voient rituellement s’affronter promoteurs de la santé publique et défenseurs du plaisir gustatif. Une telle mise en scène fait l’impasse sur la manière dont les consommateurs concilient habituellement plaisir et santé. En nous intéressant de près à cet arbitrage, nous voulons replacer les consommateurs au centre du débat public, en tant qu’objets mais aussi en tant qu’acteurs des politiques publiques d’alimentation et de santé. Nous sommes arrivés au terme d’une transition nutritionnelle et alimentaire marquée par une hausse continuelle de nos apports en calories, en graisses et en sucres, une demande croissante de produits transformés et cuisinés, un recours accru à la restauration hors du foyer, et un affaiblissement du modèle alimentaire français dans les jeunes générations. L’entrée dans l’ère de l’abondance alimentaire se paie par une explosion du surpoids et de l’obésité, avec des inégalités sociales qui révèlent les déterminants majeurs des arbitrages entre plaisir et santé. Les progrès technologiques de l’agro-industrie ont favorisé la mise sur le marché de produits peu chers, riches en graisses, en sucres et en sel ajoutés, apportant des satisfactions faciles. Pourquoi renoncer à ces promesses de plaisir "low cost" quand on a un horizon de vie bouché et des conditions d’existence peu réjouissantes ? Les efforts que nous faisons pour investir dans notre santé et dans notre corps, comme nous y invitent les campagnes de recommandations nutritionnelles, dépendent en premier lieu de ce que nous pouvons espérer y gagner. Pour autant, l’État ne doit pas abandonner toute ambition régulatrice en matière d’alimentation et de santé, au prétexte que le consommateur serait souverain et que l’offre se contenterait de satisfaire la demande. Car nos arbitrages entre plaisir et santé sont souvent imparfaits et erronés. Le marketing alimentaire nous conduit à manger plus que nous le souhaiterions. La consommation de produits gras et sucrés déforme notre goût et conditionne nos choix ultérieurs, à la manière d’une addiction. Notre environnement alimentaire fait finalement pencher la balance du côté du plaisir bien au-delà de ce qui suffirait à satisfaire nos intérêts. Une politique de régulation de l’environnement alimentaire pourrait s’appuyer sur quatre piliers : 1) un étiquetage nutritionnel utilisant le système des feux tricolores (vert-orange-rouge), fonction du profil nutritionnel des aliments, apposé sur la face avant des produits préemballés ; 2) une réallocation des aliments aux différents taux de TVA en fonction de leurs profils nutritionnels, avec un affichage saillant de la TVA ; 3) une régulation stricte des dispositifs marchands poussant à l’augmentation des quantités consommées (promotions, publicités à destination des enfants, etc.), et une régulation de l’architecture des choix dans les lieux d’achat et de restauration ; 4) une politique agro-industrielle favorisant la production d’aliments incorporant moins de graisses, de sucres et de sel ajoutés. Ce paquet de mesures se justife par les violations de la souveraineté du consommateur observées sur les marchés alimentaires. De telles prémisses peuvent être discutées. On peut également contester le droit de l’État à réguler ainsi l’environnement pour peser sur nos choix. Les différentes options politiques en présence mettent finalement en jeu des valeurs de liberté et de protection de la santé publique, mais aussi d’équité et d’efficacité économique. Pour trancher, il est urgent d’organiser en France un débat sur l’avenir que nous souhaitons pour notre alimentation. Puisqu’il s’agit de leurs arbitrages entre plaisir et santé, les consommateurs doivent être impérativement placés au centre du processus de délibération et de fabrication des politiques publiques, a!n que soit restaurée une forme de souveraineté collective sur nos choix alimentaires, à défaut d’une souveraineté individuelle.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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Dates et versions

hal-02809456 , version 1 (06-06-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02809456 , version 1
  • PRODINRA : 177864

Citer

Fabrice Etilé. Obésité : santé publique et populisme alimentaire. Editions Rue d'Ulm, 30, 121 p., 2013, Collection du CEPREMAP, 978-2-7288-0488-7. ⟨hal-02809456⟩
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