How does an institution evolve ? Land, politics, intergenerational relations and the institution of the "tutorat" amongst autochthones and immigrants (Gban region, Côte d'Ivoire)
Comment évolue une institution ? Foncier, politique, rapports inter-générationnels et institution du "tutorat" entre autochtones et migrants en pays Gban (Côte d'Ivoire)
Abstract
Cette contribution traite du changement institutionnel dans le domaine des droits de propriété sous l'impact des processus sociaux, économiques et politiques. Elle concerne plus spécifiquement l'évolution depuis un demi-siècle de l'institution traditionnelle du "tutorat" entre autochtones et exploitants migrants en pays Gban (Centre-Ouest forestier ivoirien). La politique de croissance agricole menée par l'Etat ivoirien, fondée sur la colonisation massive des régions forestière de l'Ouest, a contribué à transformer la relation socio-foncière traditionnelle du tutorat, de type clientéliste, en une institution multiplexe typique d'une situation de "frontière interne". Elle a non seulement structuré les relations foncières entre autochtones et migrants, mais également les relations entre les micro-entités politiques locales et le dispositif étatique, dont l'ancrage local est fragile. Les stratégies développées par les acteurs locaux pour contourner les tentatives de l'Etat de réglementer le tutorat, ainsi que les dynamiques conflictuelles des rapports fonciers au sein des familles autochtones et entre générations, ont abouti à la transformation inégale et incomplète de l'institution du tutorat en une convention impliquant un dispositif de contrôle d'exécution des règles (selon la distinction de Mary Douglas). Les changements du contexte politique et économique, en particulier la crise de légitimité du pouvoir et la crise économique, ont contribué à associer étroitement à la question des relations conflictuelles entre autochtones et migrants, la compétition politique aux niveaux national et local et la manière dont les droits sont localement invoqués et construits au cours du temps au sein des familles et entre générations. Cela suggère qu'un simple changement par la voie légale sera insuffisant pour promouvoir des "droits modernes", principal objectif affiché par la nouvelle loi.