Sous le coup d'une crise à multiples facettes (financière, sanitaire bovine, crise de confiance des consommateurs et interne de la profession, etc.), l'Europe est confrontée à un double défi majeur de l'orientation et du financement de sa politique agricole commune (PAC). Les attentes de la société envers son agriculture débordent maintenant sur le champ de l'environnemental (maîtrise des impacts), social (maintien d'un tissu rural), culturel et symbolique (paysage, terroirs, rapport avec le vivant). Cette capacité de l'agriculture à produire tout à la fois des biens matériels et des biens immatériels, des biens marchands et des biens non marchands, conduit implicitement à justifier la rétribution de la production des biens publics non marchands. Peut-on dire pour autant que les politiques publiques vont traiter et rétribuer ce qui n'est pas marchand et laisser le marché seul gérer ce qui revêt un caractère marchand ? Non car les objectifs des politiques agricoles restent concernés par les aspects classiques que sont la constitution du revenu ainsi que sa stabilité, et la sécurité de l'approvisionnement alimentaire. De plus, on ne saurait lancer un important retournement de perspectives sans de longues transitions. Mais le concept de multifonctionnalité de l'agriculture est porteur d'une évidente dimension opératoire : la reconnaissance et la valorisation des différentes fonctions de l'agriculture ne peut s'envisager que dans un débat "situé" économiquement, socialement, politiquement et territorialement. L'apparition d'une demande pour des biens "pas encore marchands" oblige à inventer de nouvelles réponses politiques pour engager la participation des divers acteurs et de nouveaux instruments contractuels pour construire des cadres de négociation.