L'ouvrier sublime et l'ouvrier-masse sont deux figures antithétiques représentant, l'une, la qualification et l'indocilité ouvrières des années 1870, l'autre, la déqualification et la soumission à l'organisation capitaliste du travail des années 1960-70. Ce livre montre que ces deux types ouvriers ont fait l'objet de la part des universitaires et des intellectuels de représentations changeantes et parfois même opposées. Modèle du mauvais ouvrier au 19e siècle, le Sublime passe, 100 ans plus tard, pour un ouvrier exemplaire en raison de sa "résistance" à la discipline. Quant à l'ouvrier-masse, le tableau qui en est fait dans les années 1980 est quasiment l'inverse de celui qui prévalait 10 ans plus tôt. Ces variations et ces retournements de point de vue sont fréquents dans les sciences sociales. Qu'est-ce qui les provoque ? Jusqu'à quel point sont-ils dus aux jugements de valeur, aux empathies et aux antipathies, aux propensions à enjoliver ou à déprécier qui, eux aussi, sont courants, particulièrement dans la description des classes dominées ? Pourquoi une représentation non manichéenne des classes populaires semble-t-elle si difficile à constituer ? Telles sont les questions qui servent de fil conducteur à cet ouvrage.