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Article Dans Une Revue Subaqua Année : 2018

LE POURQUOI DE LA NAGE EN BANC DES POISSONS ENFIN RÉVÉLÉ

Résumé

Mathieu Vidard s'en est fait l'écho un matin sur France Inter. Cette découverte in-croyable est passée relativement inaperçue et pourtant ! Imaginez un ver carnivore, long de plusieurs dizaines de mètres, qui se cache par faibles fonds et qui sécrète la toxine la plus puissante au monde. De quoi avoir peur ? L'animal le plus long du monde est un invertébré marin, un vers lacet ou spaghetti, qui répond au doux nom de Lineus longissimus. Il est carnivore, mesure jusqu'à 50 mètres de long et il serait là depuis 500 millions d'années ! Alors pourquoi ne le connaît-on pas ? Peut-être parce qu'il ne mesure que 5 à 10 mm de diamètre et qu'il vit caché dans le sable ou les rochers, si bien qu'on ne le croise pour ainsi dire jamais. Des chercheurs suédois se sont intéressés à ce ver. Et ce qu'ils ont découvert est stupéfiant. Lineus longissimus a une peau recouverte d'un mucus à l'odeur très forte, qui lui sert non seulement de protection contre les prédateurs, mais aussi d'arme chimique. En effet, le mucus sécrète une toxine peptidique qui pourrait être la substance la plus toxique de tout le règne animal. Et l'animal sait s'en servir. La façon dont ce redoutable chasseur passe à l'attaque est assez stupéfiante. L'opé-ration se passe de la façon suivante : lorsqu'un poisson ou un crabe a la mauvaise idée de lui passer sous le nez, le ver libère son épais mucus tout autour de lui. En quelques minutes, la victime foudroyée sous les effets de la toxine, est paralysée. L'heure du dernier souffle a sonné. Mais le pire est à venir, car pour consommer son festin, le ver procède à l'évagination de son tube digestif. Le tube tout entier sort à l'extérieur de son corps gluant, et s'enroule autour de la proie. Des enzymes prennent ensuite le relais pour liquéfier la proie. Le ver avec sa mâchoire déformable n'a plus qu'à aspirer son déjeuner liquide et retourner se planquer dans ses rochers pour digérer tranquille. Le mucus de ce ver est une arme chimique implacable. Des substances neurotoxiques similaires présentes chez les serpents, les araignées, les scorpions ou les cônes marins ont déjà trouvé des applications en tant que médi-caments ou outils pharmacologiques. Mais jamais elles n'avaient été identifiées chez ces vers marins. Or, l'effet puissant et rapide de ses toxines paralysantes pourrait par exemple servir d'insecticide très efficace. Pas étonnant dès lors que le ver lacet constitue un nouvel exemple de bio inspiration pour les chercheurs. Articles associés : > Jacobsson et al.2018. Peptide ion channel toxins from the bootlace worm, the longest animal on Earth. Scient. Rep. 8 :4596 > Filella et al. 2018. Model of Collective Fish Behavior with Hydrodynamic Interactions. Phys. Rev. Lett. 120:198101 Grâce à un modèle informatique, des chercheurs du CNRS et de l'école Centrale de Marseille suggèrent que la nage en banc permet aux poissons de dépenser moins d'énergie tout en allant plus vite… sans forcément s'en rendre compte. Lorsqu'ils nagent en banc, les poissons se la coulent douce : c'est ce qui ressort d'une étude menée par des chercheurs de Centrale Marseille et du CNRS, publiée en mai 2018 dans la revue scientifique Physical Review Letters. Les scientifiques qui ont participé à ces recherches ont conçu un modèle informatique permettant de simuler un banc de poissons, en prenant en compte non seulement le fait que les poissons qui nagent en banc essaient de s'aligner avec leurs voisins et de ne pas entrer en collision, mais aussi (c'est une première) l'effet de l'écoulement de l'eau autour d'eux. Quand un poisson nage en banc, son action provoque du mouvement dans l'eau. Et quand il nage en banc, ce mouvement prend tout son intérêt : « C'est une sorte d'effet d'aspiration », explique Clément Sire, direc-teur de recherche au CNRS et coauteur de l'étude. Il poursuit : « Les poissons, en se mettant un petit peu en quinconce, génèrent un écoulement qui entraîne le poisson qui est derrière, puis le suivant, et ainsi de suite. » Résultat : pour la même dépense d'énergie, le poisson se déplace beaucoup plus vite en banc que tout seul. Est-ce à dire que les poissons sont fainéants ? Ce serait aller vite en besogne : « L'effet du fluide et l'effet comportemental font qu'ils se placent un peu automatiquement en quinconce. Ce n'est pas qu'ils veulent délibérément le faire, c'est qu'ils obéissent aux lois de la physique. », détaille le chercheur. LE POURQUOI DE LA NAGE EN BANC DES POISSONS ENFIN RÉVÉLÉ > R U B R I Q U E F O C U S J'écoute souvent France Inter. Pour m'informer bien sûr mais pas que. À la fin du printemps dernier j'y ai entendu deux chroniques d'intérêt pour nous que je vous résume ci-dessous. En fait, au travers de ces deux exemples, je vous invite à tendre l'oreille vers les émissions de Mathieu Vidard (La tête au carré) ou de Denis Cheyssou (C0 2 mon amour) qui font souvent la part belle aux mers et océans. S. JACQUET Responsable de rubrique Ce comportement est donc un exemple d'effet de groupe sans concertation collective… qui peut faire un peu penser à nos propres comportements. « Si vous regardez un trottoir dense un samedi dans un lieu où les gens font leurs courses, vous remarquerez que les gens font des files, sans qu'un grand chef indique à un groupe de marcher à droite et un autre à gauche. », remarque Clément Sire : « La question, c'est pourquoi et comment on en vient à faire cela automatiquement, alors qu'on n'a individuellement pas forcément la vo-lonté de le faire ? ». En somme, cette découverte qui concerne les poissons pourrait avoir des implications plus larges : grâce à des modèles comme celui du banc de poissons, les cher-cheurs veulent établir des méthodes systématiques pour comprendre les interactions sociales chez les animaux et chez les humains. Un ver qui peut mesurer jusqu'à 50 m de long ! © David Borg La stratégie du banc aurait-elle des résonances chez les humains ? © Fabrice Dudenhofer > LE VER LE PLUS TOXIQUE AU MONDE
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Stéphan Jacquet. LE POURQUOI DE LA NAGE EN BANC DES POISSONS ENFIN RÉVÉLÉ. Subaqua, 2018. ⟨hal-02916393⟩
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