La viticulture biologique : de la recherche d'un monde nouveau au renouvellement du goût de terroir
Abstract
Le vin est un produit alimentaire de qualité, à forte image et valeur ajoutée. Alors que tous les handicaps semblent au plus bas, l’agriculture biologique n’y rencontre qu’un succès pour le moins mitigé : seulement 13% des agriculteurs bio sont des viticulteurs alors qu’ils représentent 20% des exploitations agricoles. Et la viticulture reste avec l’arboriculture fruitière la plus grosse consommatrice de produits phytosanitaires.
Le programme « vins sans pesticides » que nous achevons a permis d’analyser la capacité de différents collectifs – dont celui soutenant la viticulture biologique – à faire circuler la qualification environnementale des vins depuis leur production jusqu’à leur consommation, en passant par leur commercialisation. Ce travail s’appuie notamment sur une enquête de terrain articulant données quantitatives sur les exploitations, l’analyse documentaire et l’analyse intégrale d’entretiens qualitatifs : 231 entretiens approfondis ont été menés auprès de 281 personnes - producteurs, firmes phytosanitaires, distributeurs, revendeurs, journalistes, pouvoirs publics, restaurateurs, et consommateurs.. Elle a été plutôt ciblée sur les vignobles des pays de Loire et du Languedoc Roussillon.
Cette communication propose de retracer l’évolution de l’organisation marchande des vins issus de l’agriculture biologique. Il s’agit d’analyser les différentes tentatives des acteurs qui ont tenté de la développer, sans oublier celles et ceux qui ont cherché à promouvoir d’autres qualifications environnementales, afin de comprendre in fine, pourquoi elle n’a pas rencontré l’essor attendu.
Initiative de pionniers qui voulaient non seulement réformer les techniques agricoles mais aussi l’économie et le commerce, la commercialisation des vins de l’agriculture biologique commence par rencontrer un succès certain. Elle abrite une différenciation qualitative interne qui permet d’asseoir la crédibilité de différentes démarches, label AB, Déméter, Nature et progrès. Puis, cette filière exportatrice et dynamique semble constituer une voie d’avenir pour des producteurs conventionnels en panne de débouchés. La certification bio est encouragée par différentes aides qui transforment l’agriculture biologique en une ressource pour des viticulteurs en difficulté et par la grande distribution qui voit naître un marché. L’agriculture biologique contestataire devient une opportunité économique. Ce double usage de la viticulture biologique conduit à des dissensions internes et aussi un premier échec. L’augmentation de la production bio n’amène pas de croissance de la demande bio de vin. Au contraire la notion de « vin biologique » souffre d’un manque de pertinence auprès des buveurs de vin – le vin est pour eux à l’évidence déjà un produit naturel - et de la mauvaise réputation qualitative de ces vins auprès des amateurs. La demande ne s’élargit pas, amenant une crise dans la production. La grande distribution ne tarde guère à se désengager. L’organisation marchande autour des vins issus de l’agriculture biologique n’a pas grossi ; un grand nombre de ces vins se vendent sans label, ni communication sur l’agriculture biologique.
L’aventure pourrait être vue comme un échec ; ce serait sans doute une conclusion hâtive. Pour faire face à ce qu’ils appellent une dérive marchande des AOC, une nouvelle vague de vignerons a relancé la recherche de l’expression du terroir dans les vins. Les techniques agro-environnementales de production, l’agriculture raisonnée, l’agriculture biologique, la biodynamie, sont devenues avec eux de maîtres outils de la recherche qualitative des vins, faisant de la vitiviniculture « propre » une ressource pour faire du bon vin. La viticulture biologique se retrouve ainsi aujourd’hui tirée par la recherche gustative plutôt que la protection de l’environnement. Le label AB n’y a pas de crédibilité en tant que label de l’agriculture biologique, beaucoup d’exploitations qui utilisent les techniques bio ne sont pas certifiées ; malgré cela, ce sont les techniques les plus contraignantes et notamment la biodynamie qui connaissent le plus de succès et qui renouvellent aujourd’hui la notion de qualité du vin. Grâce à eux en particulier, la mauvaise réputation des vins issus de l’agriculture biologique est entrain de se fracturer et l’examen de la qualité strictement gustative des vins s’ouvre aux conditions de production.
La viticulture biologique n’est donc pas l’échec paradoxal que montrent les chiffres. Malgré de nombreuses difficultés, le respect de l’environnement est en train de devenir une clef essentielle d’une nouvelle différenciation qualitative au sein des AOC fortement appuyées sur une différenciation entre une viticulture « industrielle » liée à la demande et une viticulture « artisanale » attachée à une qualité de terroir bien plus indépendante des goûts de la demande
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