Le porc féral de Martinique, sa relation aux différents espaces écologiques de l’île (forêt, savane, zones agricoles et urbaines) et les problématiques et pratiques liées à cet animal sont des objets de recherche qui ont été peu traités par la bibliographie scientifique. Notre étude révèle en quoi cette population pose des questions de gestion aux frontières entre différents espaces administrés, entre le sauvage et le domestique, la loi et le hors la loi. Selon l'expertise du Parc Naturel Régional de Martinique (PNRM), les porcs férals vivent en liberté sur la partie nord de l’île qui borde les flancs du volcan de la Montagne Pelée et font l’objet d’une chasse semblable à celle réalisée par les flibustiers présents en Martinique à la fin du XVIIe siècle. D’après la bibliographie, les écosystèmes forestiers des versants Nord-Ouest de la Montagne Pelée, constitués d’une biodiversité exceptionnelle sont protégés par plusieurs statuts de protection complémentaires mais aux réglementations différentes et pilotés par des institutions diverses (Conservatoire du Littoral et ONF notamment) : Réserve biologique Intégrale et Site Classé de la Montagne Pelée. La présence observée mais non réglementée du porc féral dans ces hotspot de biodiversité peut avoir un impact sur la faune et la flore et cela a suscité notre attention sur le mode de gestion et de régulation de ce mammifère. Peu d’informations sont disponibles dans la bibliographie sur la pratique de la chasse au porc féral en Martinique et son cadre juridique. De plus, l’absence du porc féral sur la liste des espèces chassables de Martinique a renforcé notre questionnement sur le statut juridique de la pratique de la chasse au porc féral et son mode de gestion actuelle par les différents acteurs de Martinique. L’objectif de cette étude était de réaliser un état des lieux de la gestion et de la perception de la population porcine férale de Martinique par les différents acteurs. Un total de 62 personnes ont été enquêtées par l’intermédiaire d'entretiens individuels semi-directifs en suivant un échantillonnage par boule-de-neige. Les résultats obtenus permettent d’établir que la pratique de la chasse au porc féral est une coutume très localisée en Martinique, confidentielle et héritée d’une transmission de savoir intergénérationnel. Le porc féral est perçu par les chasseurs comme un emblème, un patrimoine culturel et astronomique à préserver. La population porcine férale de Martinique est régulée uniquement de façon informelle par les chasseurs de porcs férals et les agriculteurs ayant eu des dégâts sur leurs cultures vivrières. Cette pratique de chasse n’est pas reconnue par la fédération départementale des chasseurs de Martinique, car le porc féral est une espèce domestique. Le statut domestique de cette population ensauvagée depuis plusieurs siècles, constitue le frein majeur à sa régulation institutionnelle. Selon les autorités compétentes, ni le porc féral, ni la chasse informelle qui est associée ne sont compatibles avec les orientations de protection des zones protégées en vigueur. Le PNRM a initié depuis 2016 une démarche de domestication du porc féral de Martinique pour le préserver et le valoriser à travers un marché de niche. La mise en place d’orientations de gestion spécifiquement adaptées au contexte martiniquais et tenant compte des particularités insulaires tropicales dans ces dimensions historiques et culturelles semble impérative pour assurer l’intégrité des écosystèmes forestiers martiniquais et de son patrimoine biologique et culturel.