Etude phytosociologique et écologique du massif forestier de Haguenau (Bas-Rhin) - Apports méthodologiques - Potentialités sylvicoles - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement Accéder directement au contenu
Thèse Année : 1983

Phytosociological and ecological study of Haguenau forest (Bas-Rhin, France) - Methodological contribution - Silvicultural potentialities

Etude phytosociologique et écologique du massif forestier de Haguenau (Bas-Rhin) - Apports méthodologiques - Potentialités sylvicoles

Résumé

We analyse vegetation communities and soil characteristics in a large forest of Elsass (NE France) in order to test if site classification is still possible in the context of a highly artificialized forest (pine plantations, soil ploughing, drainage...). Relations between sites and fertility or wood quality for oaks, scotch pine and beech are studied. Oak taxonomy is also explored.
La typologie des stations forestières a été réalisée avec succès dans plusieurs petites régions écologiques de Nord-Est. Celles-ci ont toutes en commun d'avoir conservé des forêts dans leur ensemble très "naturelles". Le but essentiel de cette étude est la définition des stations forestières en milieu fortement artificialisé. Le massif de Haguenau (Bas-Rhin) a subi en effet une forte pression anthropique, traduite surtout par l'extension récente du pin sylvestre, accompagnée d'une intensification de la sylviculture: coupes à blanc, labour à la régénération, plantation d'un sous-étage de hêtre. Il nous fallait donc: - déterminer si l'enrésinement permet encore la définition des types stationnels et dans quelle mesure il modifie les types de station préexistants - à partir de cette typologie, étudier la place à impartir aux différentes essences sur la base de leurs performances de croissance et de leur qualité technologique. La méthode employée est celle développée au niveau national pour la typologie des stations forestières françaises par l'INRA de Nancy. L'inventaire vise à établir sur une base phytosociologique les unités de végétation et leurs principales caractéristiques écologiques. Nous avons tout d'abord, à l'occasion de cette étude, apporté une contribution méthodologique sur plusieurs points: - L'existence, particulièrement nette en milieu forestier de plaine, d'unités de végétation intermédiaires entre plusieurs types nous a amené à nous placer dans un cadre conceptuel nouveau pour la typologie des stations, les ensembles valués (ou ensembles flous). Ceux-ci permettent de quantifier l'appartenance d'un élément (relevé) à un ensemble (type de station) au sein d'un référentiel donné. L'application de ce concept dans un programme de classification automatique valuée nous a permis de distinguer les relevés centraux de nos types de station et les relevés intermédiaires entre plusieurs types. Cette théorie, susceptible d'applications à de nombreux autres domaines de l'écologie, permet d'aborder avec plus d'objectivité le problème des limites entre unités de végétation, que ce soit au niveau concret des communautés végétales ou au niveau abstrait des types de végétation. - L'analyse factorielle des correspondances, avec les variables floristiques en éléments principaux et les variables écologiques en éléments supplémentaires, reste l'outil de base de notre étude. La projection en variables supplémentaires des variables floristiques prenant en compte l'abondance-dominance nous a montré la concordance entre les optimums de présence et d'abondance-dominance pour la presque totalité des espèces. - Nous avons aussi expérimenté avec succès une procédure rapide et pratique de construction directe du tableau phytosociologique à partir des données brutes. Ces résultats s'insèrent dans une vue plus globale qui, tenant compte d'une part de la quantité croissante de données collectées lors des études phytosociologiques, d'autre part du développement constant des capacités de calcul des ordinateurs, nous pousse à expérimenter et appliquer de nouvelles procédures d'analyses automatiques des données. Nous avons ainsi défini neuf types de station regroupant, avec les types de station rares du massif, un total de vingt unités phyto-écologiques. Ces unités s'articulent autour de trois pôles: les aunaies-frênaies de l'Alno-Padion (1 type de station), les chênaies du Carpinion (4 types de station), les pineraies du Quercion (4 types de station). La division entre Alno-Padion et Carpinion d'une part et Quercion d'autre part, correspond relativement bien à la division géologique du massif entre substrats marneux oligocènes et loessiques d'une part et sableux d'autre part. Ces neuf types de station, parfaitement révélés par leur flore, s'ordonnent selon un gradient de richesse chimique du milieu. Mais l'hydromorphie nous a amené à distinguer au sein du Quercion des variantes sèche et fraîche dans chaque type de station. Cette distinction a soulevé deux problèmes, concernant l'un la valeur indicatrice de la végétation, l'autre l'interprétation des profils pédologiques. - La végétation ne permet pas de distinguer les variantes hydromorphes des variantes sèches. Certaines espèces, au premier rang desquelles Molinia caerulea, ne semblent pas avoir le comportement synécologique qu'on leur attribue généralement. En effet, la molinie atteint une forte fréquence de présence sur sols secs, identique ou supérieure à celle qu'elle a dans les types de station hydromorphes. Ce résultat souligne la nécessité d'études autécologiques plus poussées sur cette espèce. Nos unités ont dû alors être définies sur une base pédologique mais un autre problème s'est alors posé: - l'hydromorphie peut passer totalement inaperçue en milieu très pauvre tel celui des sables de Haguenau (appauvris en fer en particulier). Les podzols humo-ferrugineux secs décrits par certains auteurs dans le massif sont en fait des podzols hydromorphes. La distinction est importante, comme le prouvent s'il en était nécessaire les différences de productivité enregistrées dans ces différents milieux. Nous avons été amenés à suivre le niveau des nappes qui reste donc le seul critère fiable d'appréciation de l'hydromorphie. La typologie montre en tout cas qu'il a été tout à fait possible de définir des types de station indépendamment de l'enrésinement. Nos types stationnels correspondent en effet indifféremment à des faciès de chênaies, chênaies-pineraies, pineraies éventuellement naturelles ou à coup sûr artificielles. Est-ce à dire que l'enrésinement n'a aucun impact important sur le milieu haguenovien ? Notre étude n'est pas dirigée directement vers l'étude de la dynamique de la végétation, mais plusieurs constatations peuvent en être tirées. Le pin sylvestre, dont on ne peut pas garantir l'indigénat, est cependant certainement très anciennement implanté dans certaines stations, comme nous le montrent nos analyses palynologiques de sols, encore en cours actuellement. Or, sur ces stations, comme sur celles répertoriées par le service forestier local comme étant éventuellement des stations à pin sylvestre naturel (donc ayant été en tout cas régénérées avant 1871, date à laquelle les forestiers allemands ont pratiqué les premiers reboisements artificiels connus), nous avons toujours observé, en conditions drainées, des sols peu évolués de type intergrade entre les sols bruns ocreux et les sols ocres podzoliques. La podzolisation y est marquée par la seule migration de l'aluminium. Plusieurs indices (archéologiques surtout) laissent à penser que le peuplement originel était une lande ou une pineraie très claire à callune, à potentialités dégradantes plus fortes encore que le peuplement actuel. L'évolution des milieux suite à l'enrésinement ne semble donc pas prendre à Haguenau les voies de dégradation rapide constatées dans d'autres régions. Les mécanismes de la pédogénèse restent à élucider pour ce type de sol et dans cette région. L'impact de la sylviculture se manifeste cependant dans une unité de végétation particulière, les pineraies à robinier (unité n°2330) où les modifications de la flore et du milieu sont bien liées ici à l'introduction du robinier. Quelles sont les conclusions pratiques, pour la gestion forestière, de notre typologie? L'étude des potentialités sylvicoles, menée parallèlement à l'inventaire des milieux, par mesure de la hauteur dominante, de l'accroissement moyen annuel sur le rayon, du couple de torsion et, pour les chênes, de l'infradensité nous permet de préciser les aptitudes de chaque type de station. Le pin sylvestre, qui montre un accroissement constant de ses performances des milieux les plus pauvres aux plus riches et une diminution de la dureté du bois pourrait donc théoriquement être largement étendu, jusqu'au type de station 2400. Un caractère défavorable apparaît cependant dans les milieux les plus riches, l'accroissement de la proportion de bois d'aubier. Notons que sur les stations sableuses sèches (3310) la productivité tombe au plus bas, comme d'ailleurs pour toutes les autres essences. Le pin sylvestre ne constitue donc qu'un pis-aller, en l'absence d'essence permettant de mieux valoriser ces zones. Le chêne pédonculé reste la vocation des types de station n°2200 et n°2300.Il est par contre à proscrire de toutes les stations du Quercion, que ce soit sur sols secs ou hydromorphes. Seules les zones hygro-acidophiles (type de station n° 2400) peuvent lui assurer une alimentation hydrique suffisante pour égaler le chêne sessile. Au sein du Carpinion, les zones à hydromorphie temporaire et pauvres (unité 2420) sont aussi à proscrire. Le chêne sessile peut parfaitement remplacer le pin sylvestre dans les types de station 2400 et 3100. Mais il est à exclure des zones plus engorgées (types de station 2200, 2300, 2430). Son bois est presque toujours plus dur que celui du pédonculé. Notre étude des liaisons station-production et station-qualité du bois s'est trouvé confrontée à des problèmes nouveaux, tel la forte corrélation de tous les paramètres, dont la densité et le couple de torsion, avec l'âge. De façon plus générale, ces études de liaisons station-production nécessitent des connaissances et une méthodologie que les dendrométriciens classiques ne peuvent encore fournir. Il y a là un champ de recherches à explorer. La nécessité de distinguer chêne sessile et chêne pédonculé nous a conduit à étudier la morphologie des deux espèces dans une zone test du massif sensée renfermer, à côté d'individus typiques, de nombreux arbres intermédiaires. Or, une approche objective du problème, dans le cadre à nouveau des ensembles valués, nous a permis de montrer que les "hybrides" morphologiques sont en fait fort rares. L'analyse discriminante nous permet de rattacher sans erreur tous nos arbres à l'une ou l'autre des deux espèces. Cette dichotomie morphologique est-elle le reflet d'une séparation génétique? Il serait nécessaire pour répondre à cette question fondamentale de s'intéresser à des marqueurs plus directement liés à l'expression du génome. Les données bibliographiques incluses en individus supplémentaires lors des analyses floristiques, concernant les forêts, proches, de Brumath et du Herrewald, ne se séparent pas de nos types de station. Notre étude peut donc s'appliquer à l'ensemble de la petite région écologique des alluvions vosgiennes du Nord de la plaine d'Alsace que nous avons définie.
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Dates et versions

tel-00589411 , version 1 (28-04-2011)

Identifiants

  • HAL Id : tel-00589411 , version 1
  • PRODINRA : 246470

Citer

Jean-Luc Dupouey. Etude phytosociologique et écologique du massif forestier de Haguenau (Bas-Rhin) - Apports méthodologiques - Potentialités sylvicoles. Sciences de la Terre. AgroParisTech, 1983. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-00589411⟩
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