La gestion française des rivières et ses indicateurs à l'épreuve de la directive cadre - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2007

Indicators and management of French rivers challenged by the European water framework directive

La gestion française des rivières et ses indicateurs à l'épreuve de la directive cadre

Gabrielle Bouleau

Résumé

European directive 2000/60/CE establishes a framework for Community action in the field of water policy. It states objectives of good ecological status for water bodies. Cost-effective measures of protection and restoration should be planned and enforced within a tight schedule. In France, State institutions of river management used to design and support actions considered as ecologically positive. But performance of the river policy was never assessed. Ecological assessment and biological indicators were not processed for decision making. Biological indicators can be seen as freak sets. Indicators are basically tools used by engineers and managers to make trade-offs. Whereas biology deals with life and death, that are incommensurable. According to the literature, engineers and naturalists have little in common. Engineers are considered as modern figures of conquerors, looking for efficacy, regardless of politics. Fishermen or biologists on the contrary are seen as inquiring observers, willing to alert people of ecological threat. The first benefit from important financial means, the latter have much less economic power. However, biologists and engineers sometimes happened to work on the same issues. Several abnormal beings which did not fit in management models were identified by biologists and then enrolled in normal management procedures. To study how biologists hand over to managers, I consider institutions as social constructions which can change. Using Anthony Giddens' theory of structuration (1987), I focus on structures of signification, legitimation and domination that are embedded in both organisations and indicators. I follow the historical path of outsiders (Becker 1985) who rallied people's interest in new ecological problems by networking (Latour 1989). I enlighten which conditions help them to change institutions. I make the link between models and legitimacy of public policy (Foucault 1978-79). I relate the intertwining trajectories of river models and laws dealing with rivers. Such an epic reveals common strategies and contexts of people engaged in creating and promoting biological indicators. Four steps of indicators construction can be stated: wording, numbers setting, variables setting and modelling (Desrosières 2003). Then I focus on French water agencies to understand why they do not rely on biological assessment for their decisions. I propose to analyse their ways of thinking and ways of doing in three sets which correspond to three different advocacy coalitions (Sabatier et Jenkins-Smith 1993) dealing with water management. I explain that actors in agencies can be seen as playing a strategic game with non-stabilised projects. The way they reorganise projects to fulfill constraints and seize opportunities is quite similar to the way biologists organise biological information to speak for rivers. Such practises are fruitful for adaptation and social learning. Then looking at the European level, I present the political context which gave birth to the water framework directive. It explains what is going to change in terms of evaluation. Not only criteria of assessment are changing but the whole scene of justification is getting more and more uncertain. My conclusion is that advocacy evaluations are needed to deconstruct and discuss indicators that will be used for managing rivers
La directive 2000/60/CE établit un nouveau cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Elle fixe des objectifs de bon état écologique des milieux aquatiques. Elle impose une optimisation et une planification des actions de restauration avec des échéances précises. Pour les institutions françaises de gestion de l'eau, dont les agences, il s'agit de passer d'une obligation de moyens consacrés à des équipements à une obligation de résultats mesurés par des indicateurs biologiques peu utilisés pour la décision aujourd'hui. Ces indicateurs sont de curieuses constructions à cheval entre l'ingénierie et la biologie et la littérature abonde d'éléments opposant ces deux mondes. D'un côté les ingénieurs de la filière « eau » dimensionnent et gèrent des ouvrages grâce à des indicateurs. Ils ont pour héritage un passé de conquête et réalisent des projets efficaces pensés hors du temps. De l'autre, les pêcheurs et les biologistes ont le souci de la vie au quotidien avec une observation méticuleuse et domestique. Ils ont de la curiosité pour des êtres vivants ignorés des normes et certains d'entre eux ont fait de l'écologie une revendication politique bien ancrée dans les préoccupations du jour. Au-delà des différences de culture, l'opposition entre la filière eau et les amateurs de milieux aquatiques est aussi un rapport de moyens. La filière « eau » bénéficie d'un budget propre de près de 20 milliards d'euros par an. La gestion du patrimoine piscicole a bénéficié dans ses meilleures années d'un budget de 10 millions d'euros, mais elle disparaît aujourd'hui pour se fondre dans le régime commun des agences de l'eau. On ne peut cependant pas rester sur ce constat d'opposition entre ingénieurs et biologistes pour comprendre les indicateurs biologiques. Le pouvoir critique de la biologie qui met en lumière des êtres « anormaux » a régulièrement induit des réactions des filières de gestion qui ont établi de « nouvelles normalités » à ces êtres dérangeants. Pour étudier ce passage de relais, j'étudie les organisations de gestion de l'eau et leurs outils comme des institutions au sens d'Anthony Giddens (Giddens 1987), c'est à dire des combinaisons entre un référentiel de sens, des règles de droit et des moyens. Ce niveau structurel auquel les acteurs se sont habitués continue d'évoluer sous l'influence de médiateurs mobilisant de nouveaux réseaux (Latour 1989). J'étudie ainsi comment sont mises en mots, en nombres, en variables et en modèle (Desrosières 2003) des spécificités auxquelles des naturalistes sont attachés. J'étudie également le lien entre ces modèles et la légitimité politique de l'action publique (Foucault 1978-79). Je retrace ainsi la trajectoire conjointe de quelques outils de représentation des rivières sur le Rhône, sur la Seine et sur l'ensemble du territoire et l'histoire de la mise en place des institutions de la pêche, des agences, des différentes lois sur la nature, la pêche et l'eau. Cette épopée me permet d'identifier des stratégies et contextes communs aux différents promoteurs et assembleurs d'indicateurs biologiques. Je m'intéresse alors aux pratiques de gestion de deux agences de l'eau pour comprendre leur faible utilisation des indicateurs biologiques. Je montre l'existence de plusieurs référentiels de gestion dans ces organismes. Je montre aussi le grand degré d'indétermination des dossiers avant leur stabilisation lors de l'attribution de subvention. Les stratégies d'assemblage inventées par les gestionnaires ont des similarités avec celles mises en ½uvre par les biologistes pour parler au nom des rivières. Elles permettent l'adaptation et l'apprentissage. Me déplaçant alors au niveau européen, je relate comment la directive cadre a été adoptée. Ce récit me permet de qualifier le contexte politique qui accompagne les nouvelles modalités d'évaluation. Je conclus alors sur l'enjeu des évaluations partisanes dans une perspective pluraliste pour déconstruire et mettre en débat les indicateurs de gestion des rivières
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Citer

Gabrielle Bouleau. La gestion française des rivières et ses indicateurs à l'épreuve de la directive cadre. Sciences de l'environnement. Doctorat AgroParisTech, Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement, ENGREF, Paris, 2007. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-02589230⟩
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