De manière sensorielle, les acteurs perçoivent des « motifs » qu'ils ont appris à reconnaître et à associer à des représentations. Un tel motif devient environnemental à la suite d'un travail politique d'écologisation qui lui impute des causes ou des effets écologiques. Par exemple, la voiture individuelle devient un motif environnemental si on lui associe son empreinte carbone. La politique nationale de l'eau peut être revisitée en étudiant ses motifs politisés depuis le XIXe siècle: la rivière sacrifiée, l'auto-épuration, la mortalité piscicole, la truite, les poissons migrateurs et l'eutrophisation. À chaque fois, il s'agit d'une catégorie à la fois descriptive et normative. L'apparition et la disparition de certains motifs traduit sur le long terme une évolution de la prise en compte des raisonnements écologiques dans la police de l'eau. D'autres motifs non encore institués sont définis ou redéfinis en même temps qu'ils sont mobilisés et contestés dans l'action. Les motifs sont une manière de saisir l'environnement en présence. Ils s'opposent en cela aux approches qui séparent les perceptions savantes et ordinaires, soit en focalisant sur l'échelle globale des questions environnementales soit encore en abordant l'environnement de manière abstraite dans le droit. Pourtant les perceptions ordinaires et des émotions sont des leviers importants de l'adhésion aux politiques publiques. L'approche par les motifs ouvre des pistes pour ancrer l'environnement dans le sens vécu par les acteurs.