Les abeilles au cœur des transitions
Résumé
Le taux de mortalité des colonies d’abeilles domestiques en France est aujourd’hui estimé entre 20 et 30 % par an, deux fois plus que la mortalité naturelle. Sur la base des données actuellement disponibles, on estime que 9 % des espèces d’abeilles sauvages sont menacées en Europe. L’enjeu n’est pas uniquement de préser- ver les abeilles pour leur service de pollinisation des cultures et des plantes sauvages mais aussi pour elles-mêmes et pour la place qu’elles occupent dans la biodiversité.
Depuis la fin des années 1990, marquée par une mortalité importante et soudaine dans les cheptels apicoles en Europe et dans le monde, des efforts de recherche iné- dits ont été déployés pour comprendre les causes de ce phénomène d’effondrement des colonies d’abeilles domestiques. Dans le même temps, un déclin des abeilles sauvages a été documenté, ce qui n’a fait que renforcer les préoccupations scienti- fiques et sociétales vis-à-vis de ces pollinisateurs. Ces 15 dernières années, INRAE a mené de nombreux travaux de recherche qui ont mis en évidence les effets directs des pathogènes, pesticides, virus (qui peuvent aussi agir en interaction), et l’impor- tance de la diversité des ressources en pollen dans ces phénomènes. Les scienti- fiques poursuivent aujourd’hui leurs analyses sur ces multiples pressions tout en développant une recherche appliquée, pour répondre à la nécessité d’apporter des solutions opérationnelles. Depuis 2010, l’institut travaille en effet avec l’ITSAP (Institut technique et scientifique de l’abeille et de la pollinisation) au sein de l’UMT PrADE qui regroupe différents acteurs de la recherche et de l’innovation, pour accompagner les apiculteurs et répondre à leurs problématiques de terrain. De nouvelles questions de recherche émergent autour de la santé des abeilles, notamment concernant la grande diversité des produits auxquels elles sont exposées, de nature agricole et non agricole (produits vétérinaires apicoles, métaux lourds, micro-plastiques, polluants environnementaux), les nouvelles espèces invasives comme le petit coléoptère des ruches ou le frelon asiatique, et la compétition entre les abeilles domestiques et sau- vages pour les ressources alimentaires.
Pour relever les défis qui concernent à la fois les apiculteurs, les agriculteurs et les gestionnaires d’espaces naturels, les chercheurs d’INRAE adoptent de nouvelles façons de travailler. Grâce à l’utilisation de systèmes d’enregistrement autonomes comme la ruche connectée, les chercheurs précisent leurs connaissances sur le lien entre les abeilles domestiques et leur environnement. Ils intègrent aussi des travaux de génétique pour la sélection d’abeilles plus résistantes aux parasites et établissent des ponts avec les sciences humaines et sociales. L’objectif est de mieux comprendre les pratiques et problématiques auxquelles sont confrontés les apiculteurs, et de proposer des solutions applicables économiquement, pour allier préservation de la biodiversité et production apicole et agricole. Les enjeux ne se trouvent pas seule- ment dans les agrosystèmes mais également dans les zones et espaces naturels, où vivent certaines espèces rares, qui voient leur aire de distribution se réduire avec le changement climatique. Enfin, au sein des villes, des outils permettent de sensi- biliser le public à la diversité des abeilles et autres pollinisateurs.
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