Beaucoup d'analyses soulignent aujourd'hui la montée d'un paradigme de gestion de la biodiversité, paradigme de coopération négociée entre acteurs agricoles et acteurs de la protection de l'environnement. Ce discours nous paraît masquer une grande hétérogénéité de situations, dont certaines continuent de relever du conflit ou de la clôture et d'autres peuvent être temporaires ou au contraire relativement anciennes. En nous fondant sur une enquête empirique menée dans trois parcs alpins (Bauges, Vanoise, Mercantour), nous proposons une vision plus nuancée des évolutions, réelles, des relations entre agriculture et environnement. En empruntant à une sociologie de l'action collective marquée par l'anthropologie symétrique ainsi qu'à l'histoire environnementale, nous analysons l'ouverture d'espaces frontières, zones mouvantes et plastiques de circulation et de rencontre entre les acteurs des parcs et les acteurs agricoles, à l'occasion d'initiatives locales de la part d'acteurs entrepreneurs. Nous montrons que ces espaces se caractérisent moins par leur contenu normatif que par leur production expérimentale, qui se joue à la fois sur un plan social (invention de trajectoires professionnelles et d'identités) et sur un plan technique et scientifique (dynamiques de production et de partage de connaissances, modifications des pratiques).