Les discours du développement durable ont accompagné l’édiction de nouvelles normes de gestion des inondations qui redéfinissent le rôle de l’Etat français. Garantissant auparavant la protection de citoyens au moyen d’infrastructures publiques, l’Etat doit désormais faciliter l’acceptation du risque par les riverains. Sur les grands fleuves français cette redéfinition de l’action publique s’organise sous l’égide de plans associant Régions, Etat et Union Européenne. Les projets doivent désormais allier des considérations écologiques, d’efficacité économique et de participation. La restauration de zones d’expansion de crue, ou provoquer le retour de l’inondation dans des plaines protégées par des digues est présentée comme répondant à ces nouvelles normes. Sur le Rhône, depuis la mise à l’agenda des inondations, l’Etat souhaite réorganiser l’équilibre hydraulique entre les plaines. Soumis à ces nouvelles normes, l’Etat et ses ingénieurs se trouvent dans une situation paradoxale: après avoir financé la construction de digues insubmersibles pendant un demi-siècle, ils en prônent aujourd’hui la suppression. En entrant par l’analyse du projet de restauration compris comme un instrument d’action publique, nous chercherons à caractériser la recomposition de l’Etat qui s’opère sur le Rhône et semble en rupture avec le référentiel moderniste caractérisant le gouvernement du fleuve depuis les années 1950. En combinant les outils conceptuels de l’écologie politique et de la théorie de l’acteur réseau, nous proposerons un cadre d’analyse de l’action publique dite durable. Nous construirons notre propos à partir de matériaux empiriques analysés dans le cadre d’un travail doctoral ayant comme objet l’étude du nouveau schéma de gestion des inondations sur le Rhône.