First large scale assessment of deadwood volume in french forest reserves: links with biodiversity and consequences for forest management
Première évaluation à grande échelle du volume de bois mort dans les réserves forestières françaises, liens avec la biodiversité, conséquences pour la gestion
Résumé
Au carrefour entre différentes régions biogéographiques, la France héberge une grande diversité d'habitats et de peuplements forestiers. Cette diversité résulte non seulement de la combinaison de facteurs géographiques, géologiques et climatiques, mais également de siècles d’exploitation qui ont façonné le paysage forestier. Supports de la présente étude, les réserves biologiques (gérées par l’ONF) et les réserves naturelles (regroupées au sein de RNF), à forte composante forestière, sont représentatives de cette diversité des forêts françaises. Elles présentent également un gradient de gestion important, allant de l’exploitation mécanique à la libre évolution. Jusqu'à récemment, les estimations du volume de bois morts dans les forêts françaises étaient extrêmement imprécises. En cause : (1°) une prise en compte inadaptée dans les méthodes courantes d'inventaires, tournées vers le suivi de la ressource et (2°) un très faible nombre de sites étudiés de façon précise (e.g. Fontainebleau, Massane). Dans ce contexte, à la demande des gestionnaires et sous l'égide du ministère de l'Ecologie, le protocole de suivi dendrométrique des réserves forestières (PSDRF) a été élaboré en 2005. Coordonné depuis 2008 dans le cadre d’un partenariat entre l’ONF et RNF, ce protocole a, à ce jour, été appliqué sur plus de 80 réserves, représentant près de 7000 placettes et couvrant ainsi la majorité des grands types d'habitats forestiers français. Par le biais de placettes permanentes, sa mise en oeuvre permet non seulement de décrire les peuplements forestiers échantillonnés (et donc de participer à l’évaluation de l'état de conservation des habitats) mais aussi, et c’est la principale originalité de ce protocole, d’approfondir les connaissances sur la dynamique de ces peuplements dans le temps et l’espace (accroissement naturel, vitesse de décomposition, flux de nécromasse, etc.). Basés sur des données dendrométriques collectées dans quelques 60 réserves, les premiers résultats montrent que la plupart des réserves forestières contiennent un volume de bois mort nonnégligeable (moyenne : 37,1 m3/ha, fourchette allant de 5 à 150 m3/ha). A quelques exceptions près, les réserves intégrales (soustraites à toute exploitation) contiennent plus de bois mort que les réserves qui font l’objet d’une exploitation. Comparé aux résultats préliminaires du dernier inventaire IGN (2008-2010), les réserves forestières se trouvent à des niveaux de bois mort globalement plus élevés que pour la forêt française dans son ensemble (23,1 m3/ha). C’est particulièrement le cas pour les arbres morts sur pied mais certaines différences qualitatives sont également identifiées pour le bois mort au sol. Par ailleurs, dans sa phase initiale de description, des inventaires taxonomiques peuvent venir se superposer au PSDRF. Ce type de recherche-action, impliquant gestionnaires et chercheurs, permet de valoriser des données dendrométriques en leur associant des données de biodiversité. Initié en 2008 sous l'impulsion d'Irstea, de l'ONF et de RNF, le projet "Gestion forestière, Naturalité et Biodiversité" (GNB) vise ainsi à mieux appréhender les effets de l’arrêt de l’exploitation forestière sur la biodiversité de 7 groupes taxonomiques (plantes vasculaires, bryophytes, champignons lignicoles, oiseaux, chauve-souris, carabes et coléoptères saproxyliques) en comparant des forêts couramment exploitées et des réserves où l'exploitation a été stoppée depuis au moins 20 ans. A ce jour, 213 placettes ont été échantillonnées sur 15 massifs (gnb.irstea.fr). Restreint aux habitats de hêtraies-chênaies en plaine et de hêtraies-sapinières de montagne, les résultats préliminaires du projet GNB montrent les mêmes tendances pour le bois mort. En effet, les volumes de bois mort sont les caractéristiques qui diffèrent le plus entre zones exploitées et non exploitées, avec en moyenne 4,5 fois plus de bois mort en zone non exploitée. En termes de biodiversité, les premiers résultats montrent que la mise en réserve a une influence différente en fonction du taxon étudié. Un approfondissement des analyses devrait mettre en évidence les meilleurs facteurs structurant la biodiversité forestière.