Quelque soit le modèle de production agricole dominant, la ressource foncière est une ressource stratégique : elle est rare, non renouvelable, non substituable, composite. Dès lors, l'usage d'une ressource foncière ainsi que sa gestion posent des questions économiques fortes qui aujourd'hui se déclinent en termes de durabilité des économies agricoles. L'objectif de l'article est d'étudier les conditions de maintien des activités agricoles dans les espaces ruraux à partir d'une lecture patrimoniale du foncier. Les logiques patrimoniales qui caractérisent le foncier agricole sont des logiques multi niveaux portées par de nombreux acteurs et qui ont des répercutions directes ou indirectes sur les pratiques à l'échelle de l'exploitation : ces pratiques sont déterminées par le regard porté le passé et vers le futur et par l'arbitrage entre préservation et exploitation, entre rupture et continuité. Nous développons cette grille de lecture dans l'article et l'appliquons à la filière viticole bordelaise de la décennie 2002-2012. Les années 2000 – comme d'autres avant elles – se révèlent être des années de redéfinition ou de réaffirmation des stratégies viticoles dans un contexte de mutations économiques et sociales fortes. Ces mutations locales, nationales voire supranationales se répercutent au niveau du processus décisionnel des exploitations et impactent la gestion de la ressource foncière viticole. Celle-ci fonctionne dès lors comme un révélateur des difficultés et des succès bordelais mais aussi des tensions entre différentes conceptions du vin et de la filière. Le matériel collecté se compose de publications de la presse quotidienne régionale et d'entretiens conduits auprès de professionnels et institutionnel, que nous analysons avec les techniques d'analyse du discours : analyse de contenu des entretiens et analyse textuelle des articles à l'aide du logiciel ALCESTE. En prenant pour axe d'étude le foncier viticole, ce travail nous permet de comprendre comment dans le contexte actuel de mutations des marchés et des politiques, la filière viticole semble chercher simultanément à protéger l'existant (ses entreprises, son vignoble, son organisation) et à créer une nouvelle dynamique économique, basée sur l'hybridation de son patrimoine avec les autres patrimoines locaux.