Accéder à la terre est crucial pour les personnes dont l’activité dépend de la culture du sol ou de l’élevage et que l’on nommera agriculteurs sans se soucier des critères définissant cette catégorie professionnelle dans les statistiques officielles. Au fil de sa très ancienne appropriation, le foncier agricole a été gouverné par des instruments et des collectifs changeants selon les enjeux prioritaires (anthropologiques, économiques, financiers, environnementaux) des lieux et des périodes. Aujourd’hui en France, les compétences de la profession agricole seraient disputées au sein de ces collectifs (Bertrand et al. 2013, Sencébé et al. 2013, Thareau, 2011). En quoi et comment les formes actuelles de gouvernement du foncier agricole génèrent-elles des inégalités d’accès des agriculteurs à la terre ? Telle est la question qui anime cette contribution. Nous considèrerons ces inégalités comme des inégalités sociales mais aussi environnementales en ce sens où elles mettent en jeu le rapport à l’environnement des personnes ou collectifs concernés (Deldrève et Candau, 2014) inscrits par ailleurs dans des rapports de subordination sociale (Deldrève, 2015). Ce travail s'appuie sur une enquête réalisée auprès des agriculteurs et des acteurs en charge de la question foncière de l'île de La Réunion (novembre 2016). Nous montrons comment la précarité des agriculteurs et leur accès à la terre ont été et sont encore organisées pour satisfaire deux logiques en ½uvre sur l'île : le logique "urbaniste" (réalisation de plus-values immobilières) et une logique sucrière héritée de l'époque coloniale (produire un volume suffisant de canne à sucre pour l'industrie sucrière).