Regulatory hydrobiological and physicochemical monitoring of the Rhône river area around the Bugey NPP
Surveillance hydrobiologique et physicochimique règlementaire du secteur fluvial du Rhône autour du CNPE de Bugey
Résumé
Commencé en 1978 le programme de surveillance physico-chimique et biologique du Rhône dans le secteur du Bugey a pour objectif de suivre l'évolution du milieu récepteur (l'hydrosystème Rhône) et de déceler une évolution anormale d'un ou de plusieurs compartiments qui proviendrait des activités du CNPE de Bugey (EDF). Cette surveillance est basée sur : * la description des conditions environnementales générales (débit et température de l'eau) et de l'habitat des sites d'échantillonnage des communautés aquatiques ; analyse des écarts de température entre l'amont du CNPE et l'aval (sonde EDF de Loyettes) ; * des analyses de la qualité physico-chimique de l'eau (analyses mensuelles) ; * la surveillance de la communauté piscicole (4 campagnes - 7 stations). * la surveillance des communautés d'invertébrés benthiques et de diatomées (4 campagnes - 5 stations). Les stations d'échantillonnage peuvent se regrouper en trois secteurs : amont du CNPE, rejet et aval du CNPE) dont l'emprise totale s'étend sur 13 km entre Saint-Vulbas (amont ile de la Fenière, Pk50.5) et Loyettes (aval pont, PK37.5). Ces secteurs sont toutefois subdivisés pour la physico-chimie et les diatomées, pour lesquelles les deux rives sont considérées aux stations amont et aval, ce sont donc 5 stations qui sont échantillonnées pour ces deux descripteurs. L'année 2017 se caractérise par un débit faible toute l'année, exceptées les crues en décembre, et une température chaude toute l'année. Relativement aux moyennes interannuelle de débit et température journalier ces conditions particulières sont encore plus marquées en automne. Le fonctionnement du CNPE a été, d'un point de vue rejet d'eau échauffée était assez homogène sur le premier semestre et plus chaotique, avec des arrêts alternés de R2 et R3, sur le second semestre. Les conditions d'échantillonnage étaient assez homogènes d'un point de vue débit (plutôt moyen) pour les trois premières campagnes, et très bas depuis longtemps pour la quatrième campagne. Tous les échantillonnages ont été réalisés avec des température de l'eau en amont du CNPE ≥ 10°C. En dehors du constat thermique (delta T moyen de 7,9°C en aval immédiat du canal de rejet et de 4,0°C à Loyettes RD), l'ensemble des paramètres physico-chimiques montre « classiquement » peu de discriminations entre les stations. Lorsque des écarts existent, ils sont dus à des conditions particulières, tel que le rejet de la STEP de Saint-Vulbas en amont RD (conductivité, chlorures, sodium essentiellement), accentué cette année par la faiblesse des débits (net déficit hydrologique avec un coefficient annuel d'hydraulicité de 0,76), ou bien à des phénomènes hydrologiques telle que la crue de mi-décembre (matières en suspension et turbidité). Les valeurs unitaires les plus élevées sont essentiellement liées à l'hydrologie via les phénomènes de concentration-dilution et/ou à la production primaire. L'ensemble des stations présente une très bonne qualité des eaux au sens de l'arrêté du 25 janvier 2010 modifié 27 juillet 2015 permettant d'évaluer l'état chimique des masses d'eau, et/ou du SEQ-Eau pour les paramètres considérés uniquement par celui-ci. Le peuplement de poissons du Rhône à Bugey échantillonné en 2017 (mars, mai, août et octobre) compte 1725 indiv. / Ha (9056 indiv. / 30 min) pour une biomasse de 30 kg / Ha (149 kg / 30 min) pour 23 espèces. Le peuplement est toujours dominé en abondance par le spirlin (77.4 % de l'abondance totale), puis par le chevaine et le barbeau auxquels s'ajoute cette année le goujon (20.5 % pour les trois espèces) et la brème bordelière, l'ablette et le hotu. Les 17 autres espèces sont très peu abondantes. Le silure représente à lui seul 49 % de la biomasse totale. Le barbeau et le chevaine représentent 35 % de la biomasse totale et le spirlin 7 %. Ces quatre espèces représentent 91 % de la biomasse totale. Le peuplement de poissons est donc dominé par peu d'espèces ayant de fortes abondance (et biomasse). L'équittabilité de 0.5 confirme ce déséquilibre. A cela s'ajoute une très forte variabilité spatiale (entre stations et type de staion, i.e. amont versus aval) et temporelle (entre campagnes) de la richesse spécifique (8.4 esp en moyenne par station par campagne, variant de 4 à 17) des abondances et biomasses totales des espèces (ex de 99 à 22173 indiv. / Ha par station par campagne) ou des taxons de tailles (Petits et Grands individus). La variabilité de la biomasse est très forte parce qu'influencée par la capture de quelques gros ou très gros (ex 2 silures de plus de 20 kg) individus. Enfin, les espèces qui sont présentent uniquement à l'amont ou à l'aval sont si peu abondantes que cela ne représente pas une information écologique robuste. Les communautés piscicoles des grands fleuves sont en évolution lente mais significative (Thierry, 2017), notamment en lien avec des tendance à la diminution des débits moyens annuels ou à l'augmentation de la température moyenne annuelle de l'eau. Dans le Rhône à Bugey l'abondance de spirlin semble se stabilisée autour de 5000 indiv. / Ha, le hotu et l'ablette montrent une décroissance lente de leur abondance mais continue depuis 2015, tandis que le barbeau et le chevaine ont des abondances qui augmentent. A noter l'augmentation continue du silure depuis 2000 qui dépasse maintenant très nettement et chaque année les abondances de gardon ou de vandoise. Ces variabilités à long terme ou intra-annuelles associées aux déplacements des poissons et à l'efficacité de l'échantillonnage rendent impossible la mise en évidence d'un effet du CNPE-Bugey sur le peuplement de poissons du Rhône. L'image du peuplement de poissons obtenu avec l'échantillonnage d'octobre est très représentative de l'image du peuplement de poissons obtenu avec l'ensemble de l'année 2017. Cette observation renforce l'idée qu'il n'est pas utile de calculer un IPR par campagne d'échantillonnage. Le fait de réaliser une campagne de pêche par EPAs en octobre pour évaluer l'IPR est donc plutôt efficace. Cependant cette campagne spécifiquement dédiée au calcul de l'IPR à l'amont et à l'aval du CNPE ne donne pas des résultats différents de ceux obtenus avec le calcul de l'IPR à partir des données de pêche en continu (protocole historique). Cependant, même si l'échantillonnage est effectué à la bonne période, la note donnée par l'IPR, ici excellent pour l'amont comme pour l'aval, doit être questionnée. Si l'indicateur n'est pas satisfaisant pour le Rhône à Bugey, il l'est de manière équivalente à l'amont et à l'aval du CNPE. Cela ne remet donc pas en cause l'homogénéité du peuplement de poissons entre l'amont et l'aval du CNPE, donc l'absence d'effet quantifiable dans nos données. Cependant, il ne semble pas évident que de qualifier d'excellent un milieu dont le régime hydrologique est fortement artificialisé (éclusées) et dont le peuplement de poissons est très déséquilibré soit juste. La richesse diatomique globale 2017 est de 149 taxons et la richesse unitaire est en moyenne de 38 taxons par station. Bien que restant élevée, cette richesse baisse de manière constante depuis le début du suivi il y a 3 ans (25 espèces en moins par rapport à 2015, 16 par rapport à l'an dernier). A l'inverse de la richesse, les notes indicielles IBD sont en légère augmentation au fil des années, la majorité des notes étant proche de 15/20, correspondant à une bonne qualité d'eau au sens de cet indice. Les notes indicielles IPS présentent une tendance à être légèrement inférieures à celles de l'IBD ce qui est une tendance naturelle de l'IPS. L'indice IDS/E est élevé (>3,3) et montre une altération globale modérée. L'évolution inter-dates ou inter-stations de ces différents indices est très similaire : pas de gradient amont-aval significatif, gamme de valeurs inter-dates réduite. Les abondances et occurrences des principaux taxons montrent que la plupart des espèces dominantes sont cosmopolites. Le profil écologique (au sens de l'IBD) de celles-ci est homogène et montre une qualité d'eau globalement bonne (classe 5/7). Ces espèces sont assez tolérantes aux nutriments et beaucoup moins à la matière organique. Ce constat est confirmé sur les espèces récurrentes via leurs caractéristiques autoécologiques. L'analyse des peuplements diatomiques du Rhône à Bugey montre une situation globalement assez homogène sur l'ensemble du linéaire. Il ne se dégage pas de gradient amont/aval significatif quelque soit le descripteur pris en compte : indice, richesse, abondance/occurrence, écologie des peuplements. Malgré des conditions hydrologiques 2017 particulièrement pénalisantes (étiage sévère et durable), les notes indicielles de la station rejet restent stable au cours du temps, hormis une diminution ponctuelle de la note IPS en juin, indiquant peut-être une plus grande fragilité du peuplement à cette date. Toutefois, cette baisse est aussi présente en amont (RD) indiquant que cette fragilité est peut-être avant tout saisonnière. L'étude IBGA-DCE de la macrofaune benthique du Rhône aux environs du CNPE du Bugey a permis d'échantillonner en 2017 104 taxons (aux limites systématiques de la méthode, à savoir a maxima le Genre), soit, respectivement pour chacune des trois stations, 94 taxons en amont, 84 taxons au rejet et 71 taxons en aval. Cette richesse reste dans la gamme des années précédentes (102 taxons en 2015 et 110 en 2016). La comparaison des trois techniques d'échantillonnage, prenant chacune en compte une partie spécifique du milieu (faune en place de la zone intermédiaire et dérive pour les substrats, faune rivulaire pour les filets, faune du chenal profond pour les dragages), montre globalement que la richesse des substrats est supérieure à celle des filets, elle-même supérieure à celle des dragages (respectivement 92, 72 et 63 taxons). Ce constat, assez classique, confirme le caractère plus biogène des zones rivulaires par rapport au chenal profond. Toutefois, celui-ci reste le milieu présentant le moins d'écarts entre les stations et les dates, cette « homogénéité » décrivant ainsi la stabilité des habitats du chenal du Haut-Rhône à Bugey (substrat minéral particulièrement grossier). A contrario, l'abondance des filets de bordure est toujours nettement plus basse que celles des autres techniques d'échantillonnage, laissant penser à un impact des marnages journaliers liés aux éclusées énergétiques sur les milieux rivulaires les rendant ainsi peu propices à l'installation durable de peuplements benthiques invertébrés diversifiés et abondants. Ces variations de débit à court terme régissent l'habitat en général de ce tronçon du fleuve, et l'habitabilité des berges en particulier. D'un point de vue méthodologique, la comparaison de la méthode originelle (substrats artificiels et calcul de l'IQBP) et de la méthode DCE permet de mettre en évidence l'apport des différents compartiments (dérive pour les substrats, zone rivulaire pour les filets, chenal pour les dragages). Le gain net via le duo rives-chenal est de 1,5 points d'indice par rapport à celui de la dérive et de 3 unités systématiques. Du point de vue stationnel, la disparité (dégradation) amont-aval signalée depuis plusieurs années reste présente, plus particulièrement en termes de richesse et de note indicielle qu'en termes d'effectifs. Seuls les substrats artificiels permettent une comparaison temporelle suffisamment longue, étant la seule technique d'échantillonnage commune aux différentes années de suivi. Ainsi, au cours des dix dernières années, huit d'entre elles montrent au moins une note IQBP amont supérieure aux notes aval et depuis 2015 les notes des deux rives amont sont systématiquement supérieures à celles aval. L'écart moyen est de 1,25 points sur les 10 années pour un écart de richesse d'une dizaine d'unités entre les deux stations. Par rapport au rejet, deux fois sur trois depuis 2015 la note de celui-ci est également meilleure que celles aval alors qu'elle ne l'était pas en début de chronique. Par ailleurs, la station aval semble être discriminée négativement depuis 2010-2011 par une baisse de richesse d'environ 30% tant pour la richesse DCE (genre) que pour la variété taxonomique IQBP. Toutefois, ceci concerne les deux rives, l'écart étant ténu entre la rive droite, toujours soumise à l'influence thermique, par rapport à la rive opposée (en moyenne 3 taxons DCE de plus en RG sur les 10 dernières années et 4 en 2017, mais des notes indicielles et des variétés taxonomiques IQBP sensiblement identiques). En résumé, l'influence du fonctionnement du CNPE du Bugey reste principalement notable par le réchauffement engendré en rive droite et encore largement présent à Loyettes en dépit de phénomènes de mélange et de dilution en cours. La fragilité notée dans le peuplement diatomique de la station rejet en juin semble plus d'ordre saisonnier en lien avec les faibles débits et la précocité du réchauffement printanier car elle est également enregistrée à la station amont RD. La dégradation amont-aval notée pour les macroinvertébrés reste récurrente au fil des années. Elle s'exprime surtout en termes de richesse taxonomique et de note indicielle. L'écart moyen est de 1,25 points de note indicielle IQBP sur les 10 dernières années pour un écart de richesse d'une dizaine d'unités entre les deux stations. En 2017, l'écart moyen est de -3,5 points d'indice pour la méthode DCE 12 prélèvements, de -5 points pour l'IQBP et de 15 unités systématiques quelle que soit la méthode. Son origine est délicate à identifier : le changement méthodologique dans le type de type de substrat artificiel imposé en 2015 par l'application de la méthode DCE (multi-plaques Verneaux vs sisal-pierres) ne semble pas en être la cause, cette disparité amont-aval existant antérieurement ; de la même manière, l'écart est ténu entre la rive droite soumise à l'influence thermique de la veine d'eau chaude en cours de mélange et de dilution par rapport à la rive opposée (-3 taxons en moyenne pour la richesse DCE, mais des notes indicielles et des variétés taxonomiques IQBP sensiblement identiques) ; quant à la part de l'hydraulique, elle reste difficile à quantifier. Enfin, de manière similaire, compte tenu du déséquilibre du peuplement de poissons (quelques espèces très abondantes et beaucoup d'espèces peu abondantes), de sa variabilité spatiale (entre stations) et temporelle (entre campagnes) aucune différence nette ne peut être mise en évidence entre l'amont et l'aval du CNPE. Ainsi aucune influence potentielle du CNPE sur le peuplement de poissons du Rhône ne peut être démontrée en 2017. Mais la note « excellent » donnée par l'IPR à ce secteur du Rhône à partir de la campagne EPAs d'octobre est assurément exagéré, même si les conditions automnales rendent bien compte de la structure annuelle du peuplement de poissons.