Coopérer ou collaborer, injonction aujourd'hui de plus en plus fréquente, véhicule l'idée d'une action en commun menée entre pairs, autrement dit une action entre personnes qui oeuvrent de concert au-delà ou grâce à leurs particularités. Dans cette perspective, je ne distinguerai pas la collaboration de la coopération. Si cette action est menée entre « égaux », on peut se demander alors quelle place est laissée au conflit, à la confrontation de projets et des points de vue. Autrement dit, quelle liberté d'expression et d'action est accordée aux publics dont on attend la coopération ? Ce libellé intègre l'idée de ressources inégales entre les acteurs, dont certains « attendent » la participation d'autres, et inspire l'hypothèse suivante : l'injonction à la collaboration inciterait tout un chacun à participer aux changements voulus/pensés par les dirigeants publics, et aurait donc pour effet d'amoindrir la contestation sociale. Afin de l'explorer, j'ai choisi de revisiter trois catégories communément utilisées en sociologie à des époques successives dans l'analyse des actions en commun : l'action collective, la participation, la capacitation. Je vais les examiner tour à tour en les resituant dans leur contexte socio-historique d'émergence pour présenter les questions qu'elles ont abordées et ainsi dégager leurs prismes analytiques. Le format de ce texte ne permet pas, à mon regret, d'illustrer ces prismes analytiques par des travaux précis. En conclusion, je confronterai leurs limites respectives quant à la prise en compte de la liberté d'expression et des points de vue des publics sollicités les plus démunis.