Face à la libéralisation du marché mondial, la culture de la banane en Guadeloupe s'est développée selon une logique de monoculture à haut niveau d'intrants chimiques. Si cette production constitue un élément important de l'économie de l'île, elle a néanmoins généré des problèmes environnementaux sévères dans un territoire où sont présents des écosystèmes fragiles. Pour limiter les impacts environnementaux de la culture, un programme de recherche portant sur la conception et l’évaluation de systèmes de cultures à bas niveaux d’intrants chimiques a été entrepris. Les premiers travaux engagés ont permis d’identifier 6 types d’exploitation contrastés en termes de pratiques techniques et de performances. Parallèlement, 18 prototypes de systèmes de culture innovants ont été définis en mobilisant diverses techniques innovantes comme l’introduction de plantes de service cultivées en association ou en rotation et de nouvelles variétés moins sensibles aux ravageurs. Permettant une évaluation globale, hiérarchisée et adaptable de la durabilité des systèmes de culture, l’outil MASC a été utilisé au sein de ce programme de recherche afin de déterminer ex ante quels prototypes seraient les plus appropriés pour chaque type d’exploitation. Pour ce faire nous avons évalué avec MASC les gains de durabilité permis par l'adoption des différents prototypes pour chaque type d’exploitation. L’outil a d’abord été adapté au contexte de la culture de la banane en Guadeloupe en adaptant la structure de l'arbre hiérarchique de représentation de la durabilité, le mode de calcul de certains critères d'évaluation, des pondérations d'agrégation et enfin les seuils de définition des classes qualitatives des critères. Après avoir évalué le niveau de durabilité des systèmes de cultures actuels pour les 6 types d’exploitations à partir de données d’enquêtes, nous avons évalué les niveaux de durabilité obtenus pour les 108 couples « systèmes innovants ; type d’exploitation ». Les attributs d’entrée de MASC ont été définis pour chacun de ces couples à partir d’évaluations à dire d’experts et de données de simulations réalisées avec les modèles SIMBA et BANAD. Les résultats obtenus montrent que les niveaux de durabilité des systèmes de culture actuels sont « faibles » dans 4 situations et « moyens » dans 2 autres. Parmi les 18 prototypes de systèmes innovants, aucun n’augmente le niveau de la durabilité totale pour les 2 types d’exploitation présentant un niveau actuel de durabilité « moyen » et 4 prototypes peuvent conduire à une baisse du niveau de durabilité. Pour les 4 autres types d’exploitation, 2 systèmes conduisent à un niveau de durabilité au moins « moyen » pour tous les types, et 2 systèmes conduisent à des niveaux de durabilité « élevés » pour 2 types d’exploitations. Les résultats fournis par cette étude montrent l’importance de la prise en compte de la diversité des contextes d’exploitation dans lesquelles les innovations sont insérées et la nécessité d’associer plusieurs innovations pour atteindre les niveaux de durabilité les plus élevés. L’outil MASC s’est révélé approprié par la relative complétude de son référentiel de représentation de la durabilité et la souplesse de sa structure qui lui permet d’être adapté à des contextes particuliers pour discriminer une large gamme de systèmes de culture innovants. Selon nous, le référentiel gagnerait néanmoins à être enrichi de critères relatifs au potentiel d’adoption des systèmes innovants, à la qualité des produits issus des systèmes et à leur adéquation avec les filières de distribution. Les perspectives de recherche que nous envisageons portent sur ces thématiques ainsi que sur l’implication des acteurs dans le paramétrage de la pondération des critères et sur la prise en compte de la dimension territoriale dans l’évaluation de la durabilité.