Biogéographie Microbienne: mythe ou réalité ?
Résumé
Bien que les microorganismes soient les organismes les plus diversifiés et les plus abondants de notre planète, le déterminisme de leur diversification et de leur distribution spatiale à petite, comme à grande échelle, est très peu documenté. Ce manque d’intégration de l’échelle spatiale en écologie microbienne limite l’application des concepts développés en biogéographie pour les macro-organismes tels que la bêta-diversité (comment la composition des communautés change à l’échelle du paysage), qui est centrale pour la compréhension de la régulation et de l’évolution de la biodiversité en fonction des paramètres du milieu. Par conséquent, il est impossible à ce jour de définir des patrons de dispersions des populations microbiennes du sol à grande échelle et de hiérarchiser de façon générique l’impact relatif des facteurs environnementaux (climat, type de sol, couvert végétal, pratiques agricoles…) sur cette dispersion. Dans ce contexte, nous avons entrepris une des études les plus importantes en biogéographie microbienne par la caractérisation des communautés bactériennes et de champignons du sol sur le Réseau de Mesures de la Qualité des Sols Français. Ce réseau comprend 2200 sols répartis selon une grille systématique et couvrant l’ensemble du territoire français. Pour chacun des sols, les caractéristiques physico-chimiques, les paramètres climatiques environnants, les compositions floristiques, l’utilisation des terres et les pratiques agricoles sont répertoriés. La densité et la diversité/structure génétique des communautés microbiennes ont été caractérisées grâce à l’utilisation d’outils d’écologie moléculaire de type PCR quantitative et génotypage. Des outils statistiques et numériques ont été développés spécifiquement et ont permis i) de caractériser les profils biogéographiques de la diversité microbienne à l’échelle de la France, ii) d’évaluer la contribution relative des filtres environnementaux sur la diversité des communautés indigènes, et iii) d’identifier des processus impliqués dans la diversification des communautés et la dispersion des espèces à grande échelle. Une des principales conclusions de notre étude est que la biogéographie des communautés bactériennes ne répond pas aux mêmes filtres environnementaux que celle des communautés de champignons et que la biogéographie microbienne diffère de celle des macro-organismes. Il est donc nécessaire à ce jour d’affiner les concepts à appliquer aux microorganismes, sur la base d’études de ce genre, adaptés à la distribution de la diversité microbienne à grande échelle.