Le Cauliflower mosaic virus développe des corps d’inclusion spécialisés et obligatoires pour la transmission par vecteur
Résumé
Pour que le Cauliflower Mosaic Virus (CaMV) puisse être transmis par pucerons, un complexe de transmission, composé de virions et de deux protéines virales, P2 et P3, doit se former. Dans la cellule végétale infectée, les composants du complexe transmissible sont repartis de manière inégale, avec la totalité de P2 et quelques complexes P3:virions dans les corps d’inclusion clairs (elIB), et la vaste majorité des complexes P3:virions dans les corps d’inclusion denses (edIB), où P2 est totalement absente. Cette séparation spatiale des composants du complexe transmissible favorise l'acquisition séquentielle de P2 (dans les elIB) et P3:virions (dans les edIB) par le vecteur. Il existe certaines souches de CaMV qui ne sont pas transmissibles, alors qu'elles expriment P2. Ces souches ont en commun une mutation ponctuelle dans P2, qui change la glycine en position AA 94 en arginine (P2-94), à laquelle a été attribuée la perte de transmissibilité. Paradoxalement, P2-94 est parfaitement fonctionnelle quand elle est exprimée in vitro. La question se pose alors : Pourquoi est-ce que P2-94 abolie la transmission du CaMV in vivo? Nous avons cherché répondre à cette question et construit un mutant du CaMV (BJI-94) qui ne porte que cette mutation par rapport à une souche transmissible sauvage (BJI). Nous avons aussi produit les deux protéines (P2 et P2-94) dans un système hétérologue. Une comparaison des deux protéines recombinantes n'a révélé aucune différence, ni au niveau de la fonctionnalité dans des tests de transmission artificiels, ni au niveau de la stabilité de la protéine. Pourtant, le mutant CaMV BJI-94 s’est confirmé non-transmissible de plante à plante par pucerons. La P2 mutée s’accumule moins dans les plantes infectées par le CaMV BJI-94 que par le CaMV sauvage, mais elle y est pourtant suffisamment présente pour que la transmission soit théoriquement possible. Par microscopie électronique sur des feuilles infectées avec le CaMV BJI-94, nous avons montré que les cellules infectées contiennent des edIB, mais pas d’elIB, qui sont les structures où s’accumule la totalité de P2 dans le cas du CaMV sauvage. En cherchant la localisation alternative de P2-94 dans ces plantes infectées par le CaMV BJI-94, nous avons découvert des paracristaux, qui représentent une forme insoluble de P2, précédemment décrite in vitro mais jamais dans des plantes infectées. Ce résultat démontre que dans des cellules infectées, la présence des composants du complexe transmissible P2, P3 et virions ne suffit pas, même si chacun est fonctionnel. Ces composants, et en particulier P2, doivent obligatoirement être localisés dans des structures spécialisées pour permettre la transmission. Actuellement nous essayons de déterminer pourquoi P2-94 ne s’accumule plus dans les elIB et les premières hypothèses et/ou résultats seront présentés.