Mathématisation et modélisation, entre histoire et diversité
Abstract
Peut-on modéliser la diversité du monde ? Ce texte propose quelques jalons pour étudier les homologies ou ruptures dans la modélisation des phénomènes naturels du monde physique ou biologique. La diversité caractérise le vivant, et il est délicat d’associer diversité et modélisation. Cette association est abordée ici via la complexité algorithmique des données. La régularité des patterns observés dans les systèmes vivants semble plus due à des régularités statistiques liées à la loi des grands nombres qu’à la répétition d’un processus universel générant à chaque fois le même pattern. Le lien entre patterns et processus est ainsi affaibli quand comparé à ce même lien en physique. En biologie, les patterns sont fruits de l’histoire, d’une évolution. Les modélisations courantes en écologie via les conditions d’ici et maintenant, ou d’ailleurs et maintenant via les interactions, sont pour cette raison insuffisantes. En biologie, l’état présent comporte la mémoire du passé, encapsulée dans l’ADN des organismes, alors qu’en physique, cet état est en général suffisant pour prédire l’avenir, par la notion de système dynamique. Aussi, un objet de modélisation pertinent en biologie est celui de généalogie, c’est-à-dire de reconstruction de l’histoire. Cette notion d’histoire, qui est le théâtre où se façonne la diversité actuelle du monde vivant par les processus évolutifs, est l’une des ruptures entre la modélisation du monde physique et celle du monde biologique.