L'idée directrice est de porter un nouveau regard sur l'expertise et, pour cela, prendre quelque distance avec la tendance analytique qui vise, pourrait-on dire, à purifier l'expertise. Celle-ci consiste d'une part à délivrer l'expertise de la subjectivité des experts, de leurs croyances, convictions ou préjugés (Roqueplo, 1997) et de l'autre, à critiquer le fait que les experts, au cours de leur activité prennent en compte certaines règles du jeu social en anticipant les effets de leur annonce (Apfelbaum, 1998). Dans le même ordre d'idée, aux Etats-Unis, les scientifiques, les administrateurs et les analystes s'affrontent pour délimiter et contrôler la frontière entre science et politique (Jasanoff, 1987). Ces diverses approches, qui visent à borner le champ de l'expertise pour éviter une confusion avec la sphère décisionnelle, sont toujours pensées en contrepoint de l'idée que l'on se fait de la connaissance scientifique. C'est pourquoi, si l'on se donne pour objectif d'éclairer l'acte expert (Trepos, 1996), alors il nous faut faire un détour par ce que la sociologie des sciences nous a appris du mode de production des énoncés scientifiques.