Détection et modélisation des changements d'aires de végétation en Europe : méthodes et résultats
Résumé
La paléoécologie nous montre que les changements climatiques se sont traduits, par le passé, par d’importantes modifications de la répartition des espèces ligneuses en Europe. Peut-on déjà détecter de telles modifications en réponse au réchauffement observé au XXème siècle ? Quel sera l’impact du changement climatique prévu pour le siècle à venir sur la distribution des espèces ? De quels instruments disposons-nous pour suivre ces évolutions ? Ces interrogations se ramènent à l’une des questions centrales de l’écologie : pourquoi une espèce est présente en un lieu, et sommes-nous capables de le prédire ? Deux grandes catégories de modèles sont utilisées pour y répondre : les modèles statistiques et les modèles mécanistes. Les premiers utilisent la part d’information climatique contenue dans l’aire de répartition actuelle des espèces. Ils prévoient pour le XXIème siècle, de façon assez prévisible, une progression spectaculaire de l’aire climatique potentielle des espèces méditerranéennes et atlantiques et une régression de l’aire potentielle des espèces de climat médio-européen, ainsi qu’une remontée des étages de végétation en montagne. Les espèces pourront-elles suivre les déplacements de leur niche climatique potentielle ? C’est à cette question que tentent de répondre les modèles mécanistes, qui s’appuient sur une description des contraintes qui pèsent sur la dispersion, la croissance et la reproduction des espèces. De nombreuses espèces forestières, en particulier herbacées, ont des pouvoirs de dispersion extrêmement faibles et resteront prisonnières de leurs biotopes actuels. La structure du paysage (présence de haies, ancienneté des forêts) jouera un rôle déterminant pour ces espèces. Mais de nombreuses recherches sont encore nécessaires afin d’améliorer ces modèles : quelle seront les interactions entre espèces dans les nouvelles combinaisons formées, en particulier avec les pathogènes et symbiotes ? Quel sera le rôle direct de l’augmentation du CO2 atmosphérique ? Dans quelle mesure la variabilité génétique permettra-t-elle aux espèces de s’adapter ?... Les déplacements observés suite au réchauffement du XXème siècle sont encore ténus. Aujourd’hui, ces observations sont tributaires de l’existence d’archives, humaines ou naturelles, qui permettent de reconstruire l’environnement du siècle dernier. En raison de leur gradient de température altitudinal très fort, les zones de montagne sont privilégiées pour la recherche d’éventuels déplacements d’espèces, mais en plaine, certaines espèces, en particulier lauriphylles, montrent déjà une progression significative sous l’effet de la diminution des périodes de gel. Les vrais instruments de détection précoce de changement d’aire de répartition pour le siècle à venir, ce sont les réseaux d’observation écologique des forêts (IFN, DSF, Renecofor…), notre « macroscope », dont la mise en place s’est opérée au cours des 15 dernières années. En raison des incertitudes qui pèsent encore sur l’ampleur, la vitesse d’apparition et la répartition géographique des changements climatiques à venir, ces instruments précieux doivent être encore améliorés et soutenus. En effet, ce sont eux qui nous permettront d’adapter notre réponse à la réalité des changements climatiques.
Origine | Fichiers produits par l'(les) auteur(s) |
---|