Antibiotrophie : une fonction émergente favorisant l’implantation des bactéries antibiorésistantes dans les sols
Résumé
La fonction antibiotrophique, permettant l’utilisation d’antibiotiques comme source nutritive, a
récemment été découverte chez des bactéries antibiorésistantes environnementales. Pour
vérifier si leur avantage sélectif en environnements pollués s’en trouvait augmenté, nous avons
conduit une expérience en microcosmes dans laquelle Microbacterium sp. C448 (C448),
présentant des capacités de résistance et de dégradation vis-à-vis des sulfamides, a été inoculée
dans quatre sols supplémentés ou non par l’antibiotique sulfaméthazine (SMZ) et/ou du lisier.
Après un mois d’incubation, C448 n’a été détectée que dans les sols traités avec la SMZ,
indiquant une faible compétitivité de la souche en absence d’antibiotique. Son implantation ne
garantissait toutefois pas la dégradation de la SMZ, puisque n’ayant été observée que pour un
des quatre sols en absence de lisier et pour tous en présence de lisier. Ceci indique notamment
que l’avantage sélectif conféré par la SMZ à C448 n’est pas nécessairement d’ordre
nutritionnel. Le séquençage de l’ADNr 16S a révélé un impact biocide de la SMZ sur les
communautés bactériennes telluriques, indiquant la probable libération de niches trophiques
que pourrait utiliser C448 pour s’installer. L’apport de bactéries du lisier semble engendrer une
compétition défavorable pour C448 la contraignant à utiliser la SMZ à la place. Cette étude
indique que C448 semble moduler sa capacité antibiotrophique suivant l’accessibilité des
ressources et la présence de compétiteurs. Mais surtout, elle souligne un potentiel de dispersion
accru des antibiotrophes en environnements contaminés par les antibiotiques, ces derniers ne
libérant pas seulement des niches trophiques mais en constituant aussi de nouvelles.