Caractérisation d’un système d’infection persistante par le virus de l’hépatite E dans les cellules hépatiques humaines HepaRG
Résumé
Le virus de l'hépatite E (HEV) appartient à la famille des Hepeviridae. Quatre génotypes principaux circulent chez l'homme (HEV-1 à -4). Dans les pays en voie de développement, de sévères épidémies d’origine hydrique sont causées par HEV-1 et -2 retrouvés uniquement chez l’homme. Dans les pays industrialisés, HEV-3 et -4 sont responsables de cas sporadiques d’hépatite E résultant d’infections zoonotiques principalement associés à la consommation de viandes crues ou insuffisamment cuites. De nombreuses espèces animales domestiques et sauvages sont infectées par le HEV, mais le principal réservoir animal est le porc. En France, le HEV représente un problème majeur de santé publique et de sécurité alimentaire avec environ 60 000 cas annuels incluant plus de 500 hospitalisations et 20 décès. La gravité de l'infection par le HEV va d’une forme asymptomatique, à des hépatites aiguës résolutives mais peut aussi aller jusqu’à des formes très sévères avec des taux de mortalité élevés chez les femmes enceintes. De plus, les personnes immunodéprimées, notamment sous traitement immunosuppresseur comme les receveurs d’organes, sont susceptibles de développer des infections chroniques et des fibroses hépatiques qui peuvent progresser rapidement vers des cirrhoses et des insuffisances hépatiques. Aucun traitement spécifique contre le HEV n’a encore été validé même si plusieurs études ont rapporté un effet bénéfique de la ribavirine pour traiter les cas d’infection chronique. Des modèles de culture cellulaire du HEV ont été décrits mais ne permettent qu'une réplication virale modérée, ce qui limite les études sur la biologie du virus et le développement d’un traitement antiviral efficace contre les hépatites E chroniques. Dans cette étude, nous caractérisons un modèle d’infection persistante par le HEV d’hépatocytes humaines dans lesquelles le virus se réplique efficacement. Ce système d’infection repose sur l’utilisation de cellules HepaRG différentiées infectées avec un isolat d’HEV-3 provenant d’un patient souffrant d’hépatite E aigüe. Une réplication efficace a été maintenue pendant plusieurs semaines à plusieurs mois et après plusieurs passages sur cellules HepaRG avec des titres atteignant 1x109 copies d’ARN / ml de surnageant. De plus, la ribavirine a bien un effet inhibiteur sur la réplication du HEV dans ces cellules. Nous avons également trouvé, après inoculation orale chez le porc, que le virus était toujours infectieux après 6 passages sur HepaRG différentiées. Le séquençage complet du génome a permis d’identifier une duplication de 29 acides aminés dans la région Hypervariable de l’ORF-1 et de déterminer qu’après 7 passages du virus, 25 mutations ont été sélectionnées sur la totalité du génome, parmi lesquelles 8 sont non-synonymes. En conclusion, ce système d’infection représente un modèle in vitro pertinent et efficace de réplication du HEV qui pourra contribuer à l’étude de la biologie, des déterminants de virulence du HEV et l’identification de molécules antivirales contre les infections chroniques. Il pourra également être utile à l’évaluation de la présence de particules infectieuses dans des échantillons cliniques ou de terrain (provenant de l’alimentation ou de l’environnement) et la production de stocks de virus pour des infections in vitro et in vivo.