Par rupture des continuités écologiques, les barrages et autres obstacles présents dans les cours d’eau ou sur leur rive, provoquent une fragmentation des systèmes fluviaux. Cela impose des modifications importantes des régimes hydrologiques, de la température de l'eau et des flux biologiques et biochimiques. C'est le cas de la Sélune, l'un des quatre fleuves côtiers qui termine sa course dans la baie du Mont Saint-Michel en Normandie, en France. Deux grands barrages (Vezins : 36 m et La-Roche-Qui-Boit : 16 m de haut) et de nombreux autres obstacles secondaires entravent les débits d’eau, le transport des sédiments de l’amont vers l’aval, et la migration de plusieurs espèces de poissons diadromes. L’effacement des barrages de la Sélune a fait l’objet de nombreux débats politiques, écologiques et sociétaux initiés dès la décision, par l’Etat, de non-renouvellement des concessions des barrages à EDF en 2009. L’opération d’effacement a été finalement adoptée en 2017 pour débuter en 2019 (Vezins) et s’achever en 2022 (La Roche-Qui-Boit). Après un siècle d’obstruction, les 60 km amont de la rivière Sélune, représentant environ 1000 km d'habitats potentiels, si l'on considère les nombreux affluents de la rivière, seront reconnectés à l'océan. Pour comprendre les mécanismes de restauration du fleuve Selune, un programme scientifique a été lancé en 2012 et se poursuivra jusqu'en 2027. Ce programme unique et multidisciplinaire vise à caractériser les processus physiques, chimiques et biologiques mis en œuvre et d’accompagner les changements sociétaux qui vont s’opérer. Les échelles d’études sont multiples, cascadant du paysage jusqu’aux éléments chimiques. L'objectif de ce programme est de produire un retour d’expérience complet sur la restauration des continuités écologiques des cours d’eau. Un suivi complet implique donc la contribution de nombreuses disciplines et équipes scientifiques, organisées en trois thématiques : la dynamique du territoire, la dynamique fluviale, le fonctionnement des biocénoses. Pour cela, le programme scientifique s’articule autour de différents projets de recherche et d’un Observatoire. Jusqu’à présent, les scientifiques ont travaillé sur la compréhension du fonctionnement de la rivière avec les barrages. Les recherches et suivis actuels portent également sur l’anticipation des changements opérés par l’effacement des barrages. A partir de 2022, les travaux de recherches s’intéresseront à comprendre comment le fleuve et sa vallée évolueront sans barrages. En comparant ces différentes phases, ils seront en mesure de caractériser les effets de l’effacement des barrages et donc d’évaluer les coûts et les bénéfices écologiques liés au retour d’un écosystème fluvial.