Impact de la typologie des digestats sur les nutriments disponibles pour la plante : utilisation d’indicateurs de caractérisation pour prédire la fertilisation minérale
Résumé
Introduction :
La méthanisation constitue une brique majeure au sein de la bioraffinerie environnementale étant
donné qu’elle valorise les résidus organiques sous forme d’énergie (i.e. biométhane) mais également
sous forme de fertilisants organiques (i.e. digestat). Néanmoins, l’utilisation agricole de ces digestats
est soumise à des contraintes réglementaires et environnementales, en termes de qualité des
nutriments disponibles et de matière organique utilisable pour le sol. De plus, les digestats sont très
variables selon leurs intrants et les procédés les générant (Guilayn et al. 2019). Afin de mieux
contrôler et piloter la qualité des digestats, une meilleure connaissance de l’accessibilité et la
disponibilité des nutriments et de la matière organique vis-à-vis, à la fois du potentiel méthane à
fournir et du potentiel agronomique à satisfaire (i.e. par exemple la disponibilité de l’azote N et du
phosphore P) est indispensable. C’est pourquoi, l’objectif de cette étude est de déterminer les
fractions de nutriments N et P utilisées par les plantes pour leur croissance afin de (i) évaluer l’impact
de la typologie sur la réponse obtenue et (ii) utiliser des indicateurs issus de la caractérisation des
digestats pour prédire cette fraction utilisable.
Matériels et méthodes :
Dix digestats de typologies différentes basées sur Guilayn et al. (2019) ont été caractérisés par deux
méthodes différentes basées sur des extractions chimiques séquentielles afin de décrire leurs niveaux
d’accessibilité en C, N et P (Jimenez et al. (2017) pour N et Grigatti et al. (2017) pour P). Ils ont été
utilisés comme engrais organiques dans des tests en pots pour cultiver du ray-grass (Lolium
multiflorum subsp. Italicum) comme décrit par Grigatti et al. (2017).
Trois récoltes ont été réalisées sur ces tests en pots à 28, 56 et 84 jours avec analyses de N et P sur
la biomasse aérienne et racinaire. Tous les tests ont été réalisés en triplicats.
Des incubations sur sol agricole ont aussi été menées afin de suivre l’évolution de N et P sur sol nu
avec des prélèvements aux jours 0, 14, 28, 56, 84, pour analyse de N minéralisé et P comme décrit
par Grigatti et al. (2017). Des tests statistiques (Analyse en Composantes Principales, ACP, et
clustering, HCA) ont été réalisés sur l’ensemble des résultats afin d’évaluer les corrélations entre
résultats de caractérisation et résultats issus des tests en pots.
Résultats et conclusions :
Les résultats de la caractérisation de l’accessibilité de la matière organique, de N et de P ont montré
que les digestats possédaient une qualité très variable selon leur typologie et la nature des substrats
intrants de la méthanisation, justifiant ainsi une représentativité significative de ces derniers sur les
tests menés par ailleurs. La spéciation de N et P impacte les résultats issus des incubations sur sol nu
ainsi que les coefficients apparent d’utilisation de N et P. Selon le tissu récolté (aérien ou racinaire),
les variables de caractérisation ayant un impact significatif sont différentes pour P et N, pour ce type
de sol calcaire.
L’étude de l’évolution de P sur sol nu et après récoltes sur les biomasses montre que la
caractérisation de l’accessibilité de P des digestats a un effet significatif sur la fraction de P
immobilisée par le sol et celle utilisée par la plante. Enfin, une analyse en composante principale et
une classification hiérarchique ascendante appliquées aux résultats montrent que les performances
des traitements par les digestats sont groupés, non seulement selon leur nature mais également selon
leur accessibilité en termes de P. La connaissance de cette qualité et de ses effets permet d’anticiper
la fertilisation, selon le type de sol, en ne se basant pas que sur une analyse globale de P.
La minéralisation de N et l’utilisation de l’azote minéral par la plante sont significativement impactés
par les caractéristiques des digestats, particulièrement par le ratio C/N comme déjà montré par
d’autres études (Decoopman et al., 2017) et par l’accessibilité de l’azote organique. Une classification
a été réalisée comme pour le P et il apparaît que la nature et le type de digestats impactent la
typologie déterminée. Ainsi, à partir des résultats obtenus, des premières tendances de potentiel de
fertilisation en N et P selon la typologie du digestat, sur la croissance du ray-grass, avec ce type de
sol (calcaire), ont pu être proposées.