La gestion des adventices des cultures est certainement une des pratiques agricoles qui fait le plus appel aux savoirs agronomiques dans toute leur complexité. Entre le risque de concurrence avec le peuplement cultivé de ce qu’il est encore souvent coutume d’appeler les « mauvaises herbes », le risque de polluer les eaux superficielles et souterraines avec les molécules chimiques qui restent efficaces et autorisées pour l’activité agricole, et le risque de ne plus maîtriser l’équilibre instable dans l’écosystème cultivé par un accroissement du stock de graines d’adventices dans le sol, l’agriculteur se trouve face à des choix difficiles qui nécessitent un raisonnement agronomique élaboré pour trouver les bons compromis. En outre, si les adventices concurrencent les cultures, elles contribuent au maintien de la biodiversité dans les champs cultivés, directement ou au travers des ressources qu’elles fournissent à de nombreuses espèces. Face à l’abandon progressif des produits chimiques, les alternatives à la lutte chimique supposent de mobiliser un ensemble de leviers agronomiques à efficacité partielle qu’il faut savoir conjuguer dans chacune des situations agricoles singulières. Les agriculteurs et les agronomes se mobilisent aujourd’hui pour trouver diverses alternatives à la réduction des herbicides, au-delà des techniques de désherbage mécanique. Ce sujet doit devenir une priorité dans la production et le partage de savoirs pour l’action des agriculteurs compte tenu de ses enjeux. Nous avons déjà abordé ce sujet par certains articles et témoignages dans un numéro de notre revue dédiée aux démarches cliniques dans les territoires en décembre 2021, et nous consacrons cette fois un numéro complet à l’un des axes de cette recherche d’alternatives : l’usage de couverts végétaux. Et dans le numéro de décembre 2023, qui traitera à nouveau des démarches cliniques en agronomie, de nouveaux textes rendront compte de travaux de terrain portant sur de nouvelles pratiques de gestion des adventices. Ce numéro fait état de différentes expériences de recherche et de mise en pratique pour l’usage de couverts végétaux favorisant une gestion agro-écologique des adventices des cultures. A la lecture de ce numéro, nous apprécions la capacité des agronomes à changer de paradigme pour gérer le problème des adventices des cultures et mobiliser de multiples connaissances d’origine diverse (en particulier l’écologie et les agro-équipements) afin de rechercher à améliorer la multi-performance des systèmes de culture. Mais cette lecture rendra aussi l’agronome encore un peu plus humble, parce que la capacité à réguler les adventices des cultures sans les moyens de la lutte chimique est encore loin d’être acquise !