Évaluation multi-niveaux de l'écotoxicité de la saisonnalité des pesticides chez deux espèces de gammares dans un bassin versant agricole drainé
Résumé
Les milieux aquatiques sont les réceptacles finaux de nombreux contaminants dont les pesticides. Dans un contexte agricole, ces substances se transfèrent par différents phénomènes (lessivage, lixiviation) dans ces réceptacles. Ainsi, le transfert de ces contaminants, du sol vers l’eau, dépend de nombreux paramètres : l’hydrologie, les pratiques agricoles et les fluctuations saisonnières de l’émission des pesticides. Dans un contexte de bassin versant artificiellement drainé, le transfert de ces pesticides est largement facilité entrainant la contamination des cours d’eaux (1). Celle-ci altère la qualité des eaux douces et menace la biodiversité associée (2). Pour prévenir des altérations écologiques, un diagnostic précoce de l'état de santé des populations sauvages est primordial. En effet, un manque de connaissances entre exposition et impact en condition réelle soit in situ a été observé (Rapport ESCO,(3)) nécessitant la mise en place de travaux d’approfondissement. Ainsi, de nombreux outils basés sur des approches multiniveaux ont été développés chez les gammares afin d'évaluer des réponses biologiques à des pression chimiques in situ (4). Le bassin de l'Orgeval, situé sur le plateau de la Brie (Seine et Marne, 77) est un bassin agricole drainé à 80% facilitant le transfert rapide de diverses contaminations. Cet observatoire constitue un site pilote pour suivre l'impact de la saisonnalité des transferts des pesticides. De plus, sur les 27 millions d’hectares de terres arables, plus de 10% sont actuellement drainées permettant une bonne représentativité des surfaces agricoles utiles (SAU) françaises. L'étude présentée a pour objectif : approfondir les connaissances entre dynamique d’exposition et impact des pressions chimiques à différents niveaux d’organisation biologique (de la cellule à l’écosystème), évaluer la sensibilité des biomarqueurs aux différentes pressions abiotiques dans un contexte in situ et déterminer la différence de sensibilité inter espèce dans un contexte in situ (bassin de l'Orgeval). L'approche expérimentale est basée sur l'utilisation de deux espèces de gammares majoritaires du bassin de la Seine : Gammarus pulex et Gammarus fossarum. G. pulex est une espèce caractérisée par une grande adaptabilité face aux pressions chimiques (5). À l'inverse, G. fossarum est plus sensible aux pollutions organiques (6). Ces deux espèces issues de populations de référence, sont suivies simultanément sur nos sites d'études via une méthode d’encagement. Ce suivi nous permet d'intégrer la saisonnalité des contaminations ayant pour but de réaliser une comparaison temporelle, spatiale et interspécifique. Afin d'évaluer l'impact d'évènements épisodiques de drainage intensif, différents biomarqueurs sont mesurés chez les organismes encagés. Au niveau de la population, des traits biologiques comme la mortalité, la locomotion, l'alimentation, la biomasse et l’amplexus sont évalués. Au niveau cellulaire, les activités enzymatiques, impliquées dans différentes fonctions vitales, vont être mesurées. Cette approche multi-échelle (communautés, populations et individus) permettra d'identifier les stress induits par les contraintes impactant les populations de gammares et les communautés de macroinvertébrés détritivores (piégés dans les sacs à litières)(1). Les premiers résultats mettent en évidence une différence de sensibilité des biomarqueurs utilisés en fonction de l’espèce, de la spatialité et de la temporalité. En effet, une différence entre les traits biologiques est observée en fonction des sites suivis et aussi en fonction de l’espèces utilisée. En moyenne, l’amplexus est deux fois plus élevé chez Gammarus fossarum que chez Gammarus pulex. Ce pattern est répété sur chaque site étudié. De plus, la variation inter espèce nous renseigne sur la sensibilité et la complémentarité des deux espèces de gammares. Cette différence de sensibilité a également été observée en fonction des différentes campagnes réalisées. Cela met en évidence la variabilité temporelle de nos traits biologiques étant impactée par la saisonnalité des transferts de pesticides. De plus, les différents facteurs abiotiques impactent les traits biologiques chez les gammares suite à une exposition in situ. Par exemple, les paramètres physico-chimiques, comme la température, est corrélée positivement à l’amplexus et à l’alimentation des gammares. Enfin, l’acquisition de données complémentaires comme les concentrations en pesticides permettront d’évaluer l’impact inhérent de ces substances sur les traits biologiques suivis. De plus, les activités enzymatiques serviront à déterminer l’impact des pressions chimiques à une échelle inférieure. Il s’agit d’un outil prédictif face à des potentiels répercussions sur des échelles supérieures. La continuité de ces recherches, notamment avec les résultats des analyses biochimiques à venir, vise à comprendre comment, chez les gammares une évaluation multi-niveaux couplée à un suivi environnemental nous permet d'évaluer la qualité globale des cours d'eaux.
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