A new look at the economics of outdoor recreation: toward the co-production of recreational services
L'économie des loisirs de nature ou la co-production d'un service récréatif
Résumé
Pique-niquer à la plage, se promener en forêt, ramasser des champignons mais aussi surfer les vagues géantes du Pays Basque ou avaler les 10.000 mètres de l'Ultra Trail du mont Blanc sont autant d'exemples de ce qu'on peut appeler des « loisirs de nature ». Malgré la diversité qui les caractérise, ces activités ont toutes en commun de se dérouler durant le temps libre (sauf si l'on est un professionnel du secteur) dans un environnement naturel (outdoor) plus ou moins aménagé par l'homme. Le spectre des motivations est aussi vaste que la palette des activités concernées : on le fait pour se reposer ou au contraire se dépenser, pour oublier ses soucis, se distraire, se ressourcer, partager du temps avec ses proches. Parfois, les pouvoirs publics se font l'écho de cette demande et décident de légiférer et d'y consacrer des moyens (plus ou moins significatifs). Dès lors, il n'est guère étonnant que le champ de l'économie se soit intéressé au phénomène, avec un focus sur un problème particulier : les bénéfices escomptés de ces activités restent pour la plupart non marchands car, si les pratiques peuvent effectivement alimenter des filières locales (équipementiers, guides, hôtellerie-restauration), l'accès à la nature, lui, reste généralement gratuit. Partant, attribuer une valeur monétaire à ce service fourni par le patrimoine naturel (« service » en référence à sa dimension intangible) est apparu comme un moyen de corriger les défaillances de marché. Une littérature abondante s'en est suivie. Mais en attaquant le problème quasi exclusivement sous cet angle, il nous semble que la recherche en économie est trop rapidement passée sur la question de la nature constitutive dudit service, le réduisant bien souvent à une externalité ou à un bien collectif, plus ou moins pur. Ceci peut s'expliquer par le fait que les services récréatifs (nous continuerons à les appeler ainsi) présentent cette particularité de ne pas satisfaire à la dichotomie traditionnelle qui pose d'un côté l'offre et de l'autre la demande. Le visiteur (consommateur) participe à la production. Le gestionnaire (offreur) n'offre tout au plus qu'une « opportunité de loisirs », à laquelle l'usager décide de répondre ou pas. Cette propriété de co-construction est au coeur de notre projet de HDR. Le mémoire comporte 5 chapitres répartis en deux parties. Les présentations sont nourries de travaux réalisés ces 15 dernières années à l'université de Bordeaux, puis à l'Irstea (Ex-Cemagref). Les trois premiers chapitres s'inscrivent dans le cadre d'analyse standard, tout en le questionnant. En effet, l'economics of outdoor recreation d'inspiration néoclassique reste l'approche dominante, un point de passage quasi obligé pour tout chercheur désireux d'investir ce domaine de recherche. C'est donc dans ce cadre d'analyse que nous examinerons l'implication du consommateur dans la production du service. Deux aspects ont retenu notre attention : la construction de la qualité récréative d'une part, et le rôle des mobilités d'autre part. Nous étudions ensuite plus particulièrement l'offre et les coûts de production, un volet qui reste aujourd'hui encore largement sous-estimé dans la littérature. Ces éléments nous permettent de dresser un premier bilan à l'aune duquel nous proposons de nouvelles orientations de recherches qui sont développés dans la seconde partie du mémoire. Ainsi, les deux derniers chapitres ouvrent ainsi sur le champ de l'économie géographique (économie des proximités) d'une part, et sur l'économie des services d'autre part. A bien des égards, les enjeux abordés dans cette HDR nous paraissent déborder du cadre strict relatif au domaine récréatif et trouvent des points d'ancrage dans de nombreux autres secteurs économiques tels que le tourisme, le sport ou les transports. Finalement, les pistes de recherches déployées révèlent l'intérêt que je porte à l'ouverture disciplinaire à travers l'étude de la capacité de l'économie à aborder une problématique environnementale.