Essai de regroupements des principales espèces structurantes d'une forêt dense humide d'après l'analyse de leur répartition spatiale (Forêt de Paracou - Guyane)
Résumé
L'intérêt de protéger la forêt dense tropicale humide n'est plus à défendre, comme l'a encore récemment rappelé la conférence de Rio. Ce soucis de protection nécessite une meilleure compréhension de la structure et de la dynamique de fonctionnement de ces écosystèmes forestiers forts complexes. Cependant les modèles considérant la forêt de façon globale rencontrent un obstacle majeur : la grande diversité spécifique. L'objectif de cette étude est d'offrir une vue plus synthétique de la structuration spatiale d'une forêt primaire de Guyane. Pour cela 35 espèces «structurantes» ont été retenues : elles représentent la moitié du peuplement en effectif et surface terrière. Ces espèces ont été successivement regroupées selon quatre critères d'analyse ayant trait à la répartition verticale et horizontale : (1) huit groupes de hauteur ont été distingués, qui rendent compte des potentialités en hauteur, depuis les espèces de sous-bois jusqu'aux espèces émergentes, et des différences de comportement hauteur/diamètre, en relation avec des exigences lumineuses variées ; (2) les variations de densité spécifique sur les différentes unités de sol ont conduit à constituer quatre groupes d'espèces de comportement édaphique distinct ; les bas-fonds et l'hydromorphie de surface temporaire sont les facteurs les plus discriminants ; (3) puis le mode de répartition propre à chaque espèces a été analysé sur les sols n'affectant pas sensiblement sa densité ; (4) enfin sept modes de dissémination des semences ont été distingués, qui conduisent à des patrons de dispersion des graines très variés (selon le ou les vecteur(s), la distance et le degré d'homogénéité de la dissémination). Le croisement des quatre typologies montre qu'aucun groupe d'espèces ne peut être constitué sur la base conjointe de ces différents critères structuraux, chaque espèce se distinguant des autres par au moins l'un des aspects étudiés de sa répartition spatiale. Ce résultat corrobore la théorie de la niche écologique : chaque espèce présente une spécialisation fonctionnelle particulière qui lui permet de limiter ses interactions avec les espèces voisines aptes à se développer dans le même habitat. Ainsi les espèces qui occupent la même strate verticale et abondent sur le même type de sol seront plus ou moins susceptibles de se concurrencer selon leur mode de dissémination, leur densité et leur structure spatiale horizontale. Outre la possibilité d'intégrer l'une ou l'autre des typologies proposées dans des modèles de dynamique forestière, ce travail, en soulignant les différences de répartition spatiale des espèces liées à des modes de fonctionnement variés, offre de multiples perspectives d'études plus fines à but explicatif.