Le porc est une espèce sociale. Son bien-être en élevage repose donc en partie sur la possibilité d’exprimer des comportements sociaux naturels et d’évoluer au sein de groupes sociaux stables. Or, en élevage, la stabilité sociale est particulièrement perturbée lors du sevrage, ce qui peut dégrader durablement la santé et le bien-être des animaux. L’identification de biomarqueurs précoces associés aux comportements sociaux pourrait permettre d’identifier les animaux présentant des risques d’être moins bien adaptés au stress social du sevrage. La sérotonine (5-HT) pourrait être un bon candidat, car elle a été associée à la régulation des comportements sociaux agressifs et affiliatifs chez différentes espèces sociales. De plus, certaines études suggèrent que les concentrations sanguines de 5-HT plaquettaire seraient corrélées aux concentrations cérébrales, et pourraient donc servir de proxy à l’activité sérotoninergique centrale. Les objectifs de ce projet étaient donc 1/ d’explorer les comportements sociaux de porcelets sous la mère et leurs relations avec les taux de 5-HT plaquettaire, et 2/ d’évaluer si comportements sociaux et taux de 5-HT plaquettaire peuvent être des marqueurs précoces de l’adaptation au sevrage. Pour ce faire, les comportements sociaux de 60 porcelets issus de 12 portées ont été relevés en maternité, à 21 et 42 jours d’âge, à raison de 8h par jour. A 49 jours, les porcelets ont été sevrés et mélangés avec des porcelets d’autres portées. L’activité comportementale et les comportements sociaux des porcelets ont été relevés le jour et le lendemain du sevrage, à raison de 6h par jour. Les porcelets ont été pesés et leur sang a été prélevé à 20, 41 et 50 jours d’âge pour doser la 5-HT plaquettaire et des indicateurs d’oxydation (plasma hydroperoxide (dROM), Ferric Reducing Antioxidant Power (Frap)) et d’inflammation (haptoglobine). L’analyse des comportements sociaux en maternité indique que les porcelets émettaient plus de comportements sociaux à 42 qu’à 21 jours (p < 0.001), avec plus de contacts du groin (p < 0.001), plus de comportements agonistiques (p < 0.001) et de jeux sociaux (p < 0.01). Les males émettaient plus de comportements sociaux que les femelles (p < 0.001), avec plus de jeux sociaux (p < 0.001), de comportements agonistiques (p < 0.01) et de comportements ‘divers’ (montes et poussées du groin, p < 0.05). Parmi les comportements sociaux observés, seul le jeu social était positivement corrélé entre 21 et 42 jours (rs = 0.5, p < 0.01). Bien que les taux de 5-HT plaquettaire n’étaient corrélés à aucun des comportements sociaux, les taux de 5-HT étaient positivement corrélés entre 21 et 42 jours (rs = 0.34, p < 0.01). Au vu de ces résultats, nous avons testé l’effet prédictif du jeu social et des taux de 5-HT plaquettaire à 42 jours sur les réponses au sevrage. Les animaux avec des taux de 5-HT élevés avant le sevrage étaient moins agressifs les 2 jours suivant le sevrage (p = 0.02) et avaient des niveaux de stress oxydatif plus bas le lendemain du sevrage (dROM, p = 0.02). A contrario, les animaux qui jouaient plus avant le sevrage étaient plus agressifs (p = 0.03) et tendaient à être plus actifs socialement les 2 jours suivant le sevrage (p = 0.06). Ils étaient aussi plus lourds (p = 0.006) et avaient un niveau de stress oxydatif plus élevé le lendemain du sevrage (dROM, p = 0.04). Nos résultats suggèrent que les taux de 5-HT plaquettaire et le jeu social précoce pourraient être des indicateurs pertinents pour prédire les variations inter-individuelles d’adaptation au sevrage en élevage porcin.